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L'art est il un langage comme un autre - Dissertation de Philosophie

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Aperçu du texte

SUJET : ​​​L’art est-il un langage comme un autre?

La Seconde Guerre mondiale a fait l’œuvre de nombreux tableaux comme celle de David Olère, « ​​​Les inaptes au travail​​​» dénonçant notamment ici la déportation des Juifs. L’art peut-il alors être considéré comme un langage afin d’exprimer une injustice, une cause, un fait réel?

Le langage est une aptitude qui permet la communication entre deux individus. Elle ne se soustrait pas uniquement aux différentes langues (anglais, japonais, néerlandais, français, ...), puisqu’il existe également le braille, la gestuel, le langage informatique, les ondes ultra sonores (chauve-souris), ... Autrement dit, le langage est un code universelle qui permet la compréhension entre deux individus. Qu’en est-il alors de l’art? L’art est une production fait à partir de

techniques et de matériaux, dans le but d’exposer une idée, de dénoncer une cause, ou simplement de créer une œuvre esthétiquement belle, pour soi, ... etc.

L’art est-il alors un langage comme un autre? Ou autrement dit, peut-on communiquer par le biais d’œuvres artistiques? Tout d’abord, nous verrons dans un premiers temps que l’art permet effectivement d’extérioriser notre pensée, de la même manière que le fait le langage. Cependant, l’œuvre d’art n’est pas un sujet et sa compréhension peut se révéler parfois difficile. Enfin, nous terminerons alors avec le fait que l’art n’est pas un langage à part entière mais un moyen d’expression.

« Non, la peinture n’est pas faite pour décorer les appartements, c’est un instrument de guerre ​offensif et défensif contre l’ennemi ​​​». Cette citation démontre bien l’utilité qu’a l’art pour laisser une ​trace et employer une autre manière que les mots pour manifester une cause (guerre, maladie, pollution, ...). Cependant, la peinture n’est pas l’unique moyen de communiquer : il y a l’écriture comme la poésie et le théâtre, la sculpture, des affiches, la musique, ou encore les œuvres cinématographiques. Nous pouvons remarquer parmi ces exemples que l’écriture et la poésie sont des arts qui utilisent les mots : ces arts appartiennent donc au langage. La dénonciation dans les œuvres permettent de sensibiliser les personnes qui les écoutent ou les regardent. Elle a donc pour but de changer les comportements, et il faut pour cela créer une émotion. C’est le

cas par exemple chez le Street Art Banksy ​: dans son œuvre « ​​I Hate Mondays​​​», il dénonce l’esclavage des africains avec « humour » qui portent des tee-shirts « Je déteste les lundis! ».

Bien évidemment, le travail pour eux et tous les jours, ici l’humour permet sans élocution oral de créer une sorte de sueur froide dans le dos pour faire prendre conscience de la condition humaine dans les pays les plus pauvres que nous exploitons (En aparté, Banksy fait référence ici également à la chanson de Bob Geldof, où le chanteur à ramasser des dons pour « aider les utopiens ». En réalité, il s’agissait en fait de financer les armes dans le pays pour les conflits sur places. Grosse référence.). De la même manière que le discours de Jacques Chirac​​ « Nous avons​​ saigné l’Afrique pendant quatre siècles

un sujet propre à moi : si je ne comprends pas sa signification, j’ai alors besoin d’une autre personne pour me l’expliquer ou l’artiste lui-même car l’œuvre elle-même ne m’en dira pas plus de ce qu’elle me montre. Par exemple, lors de la lecture de la pièce de théâtre « Rhinocéros​​​ ​​​» d’ Eugène​​​ Lonesco​​​, il est impossible de comprendre que l’artiste dénonce la montée du nazisme sans en comprendre le contexte. A la première lecture, on penserait donc que les individus attrape tous la maladie qui les transforme en rhinocéros, et que seul une personne y échappe et ne désire pas être ainsi car cela est mal (il faut en fait faire une superposition de l’image du nazi sur celui du rhinocéros, mais en cela l’auteur ne l’indique pas). Ainsi, même si le langage par les mots n’est lui aussi pas toujours

compréhensible (par exemple avec le manque de vocabulaire), l’art ne reste pour autant pas aussi compréhensible que ce dernier. De plus, toutes les œuvres ne se valent pas : elles n’ont parfois pas de signification, alors que l’homme même s’il communique pour dire des banalités, jamais il n’emploie un langage inconnu que lui seul connait pour dire des choses qui n’existent pas. Pour troisième argument, nous pouvons rajouter aussi que la communication de manière général est un l’un des fondements importants de notre société tel que l’explique ​Goody ​​: les panneaux pour éviter les accidents de la route, les phrases pour que je puisse comprendre autrui, ... etc. Or, la production d’œuvres artistiques n’est pas indispensable à notre société : si on les retirés, omis une chute de

la ressentons par nos capacités sensorielles, et ainsi nous n’aimons pas tous le parfum de la rose. Le Beau est la satisfaction, c’est-à-dire le plaisir intellectuel d’avoir effectué ce que nous avons fait. Pour savoir si une œuvre fait partie du Beau, il faut le gout : cela peut paraitre aux premiers abords contradictoires car le gout est subjectif, mais en réalité cela a une valeur universelle : lorsque nous goutons du vin, nous n’aimons pas forcément le vin mais nous savons reconnaitre ce à quoi nous goutons (« c’est du vin »). Ainsi, l’art n’est pas un langage dans la mesure où elle n’est pas toujours compréhensible (exemple de l’art abstrait), qu’elle est universelle contrairement aux aptitudes de la communication, et qu’elle vit de la société et pas inversement.

L’art doit-il alors être considéré comme un langage comme un autre? En effet, nous venons de voir qu’elle portait des caractéristiques pouvant l’intégrer, et d’autre non qui l’exclu de cette position de langage. Alors qu’elle est la faculté première de l’art? C’est celle de s’exprimer, de transmettre une idée qui est notre et d’en faire une œuvre par de la technique et du travail, afin de pouvoir réalisé la fin de ma pensée. Si l’art n’est pas un langage, il reste cependant un moyen d’expression. C’est donc cet outil qui nous permet d’exprimer ce que nous ressentons, par un autre moyen que les mots dans le but de développer une part de créativité. C’est ce que demandent par ailleurs les psychologues spécialistes chez les enfants : de dessiner un dessin afin de

matière silencieuse dont la force d’esprit est celle représentait par l’artiste : ​​Freud ​appelle cela la sublimation. La sublimation est le fait de faire passer par l’art un interdit que la société va pourtant ici valorisé. Par exemple, il est peu concevable aujourd’hui qu’un homme vienne dans un établissement publique en robe rose bonbon : pourtant, si cet homme décidais de peindre le dépassement de ce cliché, il serait valorisait pas la société (car il est bien de « s’assumer », de la même manière que l’on peut ici considérer un point commun entre le langage et l’art, car la valorisation se fait aussi à voix oral). L’art plus qu’un langage, est aussi en quelque sorte une méthode de survie (tel le

psychologue comme expliqué plus haut).

En conclusion, l’art n’est pas un langage comme un autre. Bien qu’il en possède certaines facultés, il est en réalité un moyen d’expression et d’extériorisation de l’esprit. L’art ne peut parler d’elle seul car elle n’est pas sujet en tant que tel, mais elle reste cependant riche que ce soit en fonction de son mouvement (art moderne, impressionnisme, romantisme, clair-obscur, ...), de ses matériaux (fer, pierre, sang, peinture, encre, ...), ou de son but (à tel un sens ou une cause à défendre ?). Toutes les œuvres ne se

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Matière : Philosophie - Ethique

Université : université de caen-normandie, ceci est un aperçu.

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dissertation philosophie l'art est il un langage

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24 janvier 2021 | 0 commentaires

L’art est-il un langage ? (corrigé)

L’art est-il un langage ?

Introduction

I analyse du sujet et première réponse : l’artiste fait passer un message qui s’exprime dans les codes propres à l’art, 1.     le langage stimule la créativité imaginative, de ce fait, on peut dire qu’il est le père de toute créativité artistique, 2.     tout langage obéit au schéma de la communication de jakobson, 3.     l’art est multiple, chaque art s’exprime dans un médium qui est le sien tout comme le langage humain s’exprime dans une langue articulée.

4.     Tout artiste s’adressant à un public peut être considéré comme un émetteur visant un récepteur, faisant de son œuvre l’expression singulière d’un code.

5.     L’œuvre est comme la parole de l’artiste

6.     comme dans tout langage, l’artiste use de codes culturels qui doivent être connus par le public s’il veut comprendre son message, 7.     que l’art soit engagé, ou qu’il vise la pure gratuité de l’art pour l’art, l’œuvre dévoile quelques vérités, 8.     l’efficacité du message artistique dépend de la grandeur et de la puissance de l’œuvre, ii si l’art est bien plus qu’un langage c’est en tant qu’il se rattache au muthos, 1.     l’œuvre d’art a une matérialité qui est essentielle et qui ne s’efface jamais pour n’être qu’un simple signe, 2.     univocité du langage et plurivocité de l’œuvre d’art, 3.     l’œuvre d’art naît d’un auteur et d’un public alors que le langage articulé produit des messages qui ne doivent rien, s’ils sont bien compris, au récepteur, 4.     l’œuvre enfant de l’artiste échappe à son créateur sans que ce soit une erreur.

5.     L’art est plus un miroir ou un révélateur du réel qu’un langage

6.     Du message à décrypter au mystère de la beauté

7.     L’art est à la fois la perfection du langage et son dépassement, ce faisant, il se révèle être l’expression du muthos

Même si l’on trouve quelques rares animaux capables de peindre, comme c’est le cas pour le bonobo Kanzi à qui le Dr Sue Savage-Rumbaugh a appris le yerkish, et même si le chant des rossignols émerveille les oreilles humaines, si l’ingéniosité dans la construction des ruches impressionne les architectes et inspire le biomimétisme (le fait d’imiter la nature), l’art est un système d’expressivités multiples proprement humaines et l’on ne saurait comparer le chant du rossignol – toujours le même – avec celui de la Callas [1] qui est le résultat conjoint, non seulement d’un don inné, mais aussi d’un savoir-faire longuement acquis par la fréquentation d’autres artistes et des grandes œuvres du passé.

L’art représente le lieu même de la créativité et, dès lors, il sollicite l’imagination, comme aucune autre activité, animale ou humaine. Or, cette imagination n’existe, avec cette puissance exceptionnelle qui est la sienne en l’être humain, que parce que ce dernier est, et lui seul, un être du langage, et que cet outil de communication qu’est le langage articulé humain possède, dans sa structure même, la capacité de faire surgir dans l’esprit de celui qui parle comme de celui qui entend, ce qui n’est pas sous ses yeux.

Dès qu’il entend ses parents parler, le petit humain apprend à imaginer, et cette imagination se met en œuvre particulièrement dans la créativité enfantine : le jeu qu’il invente et qu’il partage avec des compagnons imaginaires le met en joie, mais bien avant cela, dans les premiers mois de sa vie, c’est le babillage qui l’a fait jubiler et, petit poète en herbe, il a su savourer le goût des mots, des sonorités, des rimes, des allitérations, etc. L’art est incontestablement l’enfant du langage, et avant de prendre grand plaisir à la peinture, et aux images, tout comme aux récits que feront surgir en lui les histoires que ses parents lui conteront bientôt le soir avant de s’endormir, le tout petit humain s’est découvert poète.

En tant que mode d’expression qui se développe, en l’humanité, en parallèle avec le langage, l’art n’est-il au fond qu’une forme de langage particulier, que sauraient particulièrement parler les artistes, mais qu’apprendraient aussi à entendre en retour les amateurs d’art ?

Ce simple décalage entre l’artiste et l’amateur d’art dans l’aptitude à s’emparer de ce « langage » que serait l’art nous conduit cependant à soupçonner en ce dernier bien autre chose qu’un simple langage. En mettant en jeu, librement, les facultés humaines, l’œuvre d’art ne dépasse-t-elle pas les intentions de communication de son auteur ? Et en suscitant ce libre jeu des facultés que Kant reconnaît à l’artiste, mais qui est aussi en jeu dans la réception interprétative du public, l’œuvre d’art n’emmène-t-elle pas le public bien au-delà de toute réception de communication ?

Bien que l’art excède les usages proprement poétiques qu’il fait de la langue maternelle, la poésie n’étant qu’un art parmi d’autres, si l’art est un mode d’expression personnelle propre à la nature humaine c’est sans doute parce que l’être humain est un être du langage. Dans tout langage en effet, et comme l’explique Ferdinand de Saussure dans son Cours de linguistique générale , il y a deux dimensions. Dans chaque mot, en tant qu’unité linguistique, il y a le signifiant c’est-à-dire un objet sonore ou graphique, et le signifié , l’objet de la réalité ou de l’imagination auquel renvoie le signifiant.

En apprenant à parler, le petit humain apprend donc à vivre à la fois dans le monde réel, que ses sens lui offrent à connaître, et dans un monde imaginaire qui complète ou double le monde réel. Ce développement très important de l’imagination est à l’origine de la conscience temporelle, et donc du sens du récit si important dans la littérature, mais aussi de la créativité artistique où, comme l’explique Kant dans la Critique du jugement , il y a une mise en œuvre du « libre jeu des facultés humaines » sous l’égide de l’imagination.

C’est ce libre jeu entre sensation, émotion, sentiments, désir, volonté, mémoire, raison, intelligence, etc. qui est l’explication la plus simple et peut-être la plus évidente de la créativité humaine où l’imagination joue un rôle plus grand qu’aucune autre faculté. De ce fait, l’art, sous toutes ses formes, même non poétiques, et donc sous ses formes musicales, architecturales, picturales, etc. est l’enfant du langage. Et l’histoire occidentale le met en évidence : à l’origine, le langage important est le langage poétique, inspiré des  Muses, le muthos. C’était le langage de l’Aède chargé d’incarner la mémoire collective et de transmettre aux hommes l’enseignement des dieux.

Reste qu’un tel constat ne répond pas encore au sujet. Car l’enfant du langage qu’est l’art n’est peut-être pas un langage, ou est peut-être plus qu’un langage.

Pour savoir si l’art est un langage ou autre chose qu’un langage, il faut partir de ce qu’est un langage. Tout langage est un outil de communication, et en tant que tel, se compose comme l’explique Roman Jakobson, dans Essais de linguistique générale , d’un certain nombre de fonctions qui sont coordonnées les unes aux autres. Un langage c’est d’abord un code en tant que système de signes. Pour les êtres humains, le code le plus usité, c’est la langue maternelle qui se compose elle-même de mots communs à une communauté linguistique et culturelle, et d’une grammaire qui coordonne de manière acceptable à l’ensemble de la communauté, les mots entre eux.

Tout code linguistique est utilisé par un émetteur pour faire passer un message à un récepteur qui, l’un et l’autre, sont en mesure de décoder le message, parce qu’ils possèdent le même code. Ce message, pour être compris, doit enfin être émis dans un contexte qui donne sens au message, après qu’un signal de contact ait été émis.

Cette définition du langage comme instrument de communication nous permet-elle d’affirmer que l’art est un langage au même titre que la langue maternelle ?

Considérer l’art comme un langage, c’est décrypter en quelle langue il s’exprime, et dès lors quel est le matériau visuel ou auditif qui est le sien.  Le code en usage dans l’œuvre d’art est en réalité propre à chaque type d’art. Ainsi, le musicien use de sons, d’harmonies, de rythmes, le peintre de traits et de couleurs, le poète de sons, d’assonances et consonances, de rythmes, et d’images sonores, et signifiantes, et le cinéaste d’un récit, d’images, de mouvements, d’une dramaturgie, de types de lumières et de couleurs, ainsi que de rythmes de plans, et de musique. De ce fait, chaque type d’art doit être considéré comme une langue particulière qu’apprennent à maîtriser les artistes en fréquentant les artistes qui le précèdent, et à comprendre le public en fréquentant les œuvres d’art.

Il faut maintenant se demander quel type de message peut ainsi prendre des expressions si diverses.

4.     Tout artiste s’adressant à un public peut être considéré comme un émetteur visant un récepteur et qui fait de son œuvre l’expression singulière d’un code.

Bien que l’artiste, dans son activité créatrice, soit souvent seul, trouvant son inspiration dans la profondeur de son être, et obéissant à un besoin profond de s’exprimer à travers les manipulations artistiques de son art, aucun artiste ne crée pour lui-même. L’œuvre s’ adresse à celui qui entre en relation avec elle, au public donc, et l’artiste a besoin de ce contact, et quand il crée, il crée en vue de ce contact. D’une certaine manière, on peut dire que l’œuvre n’existe comme telle qu’en s’offrant d’abord à l’émotion d’un public, et secondairement à son jugement.

On a donc bien un émetteur  :  l’artiste ; un récepteur  : le public ; et un message : l’œuvre.

Souvent aussi, est en jeu un contexte (la salle de concert, le musée, la galerie d’art, la rue, etc.), avec un contact propre à un contexte d’émission et de réception de l’œuvre. Les rideaux qui se lèvent sur une scène de théâtre, le silence qui s’installe dans la salle de concert, l’entrée au musée… sont autant de mises en situation nécessaires à la bonne réception de l’œuvre d’art.

On peut pousser plus loin le parallélisme entre l’art et le langage, en utilisant la distinction que fait Saussure entre le langage, la langue et la parole. Le langage humain est l’aptitude universelle, propre à l’espèce humaine, à la communication à travers l’apprentissage d’une langue articulée. La parole est l’usage singulier que chaque être humain fait de la langue commune à sa communauté linguistique. Si l’on considère l’art comme un langage, cela signifie que ce mode d’expressivité humaine est universel : chaque être humain est naturellement doué, même si c’est plus ou moins, de capacités artistiques ou, si ce n’est pas le cas, à tout le moins de capacités réceptives à l’expression artistique, les plus doués étant bien sûr ceux qui se consacrent à ce type d’expressivité, les artistes.

De même que chaque être humain apprend à parler une langue particulière, propre à sa culture, les artistes ne surgissent pas dans leur génie propre d’un seul coup. Ils entrent en apprentissage en apprenant les modes spécifiques de leur art auprès d’autres artistes, ainsi que les codes qui correspondent à ceux de leur culture propre et qui font qu’un artiste de la Renaissance ne peint pas de la même manière qu’un artiste moderne, ou qu’un artiste chinois de l’Antiquité. Ainsi, dans son Traité élémentaire de peinture , Léonard de Vinci explique qu’un apprenti peintre doit commencer par imiter les grands maîtres, et progresser dans cette imitation avant d’en venir au modèle que doit être in fine la nature.

Ce sont ces mêmes codes qui entrent en jeu dans le décodage de l’œuvre par le public, et il est clair que, même si le contact d’une œuvre peut provoquer une émotion esthétique en dehors de toute culture de base, la réception du message de l’auteur au sein de son œuvre sera dépendante de la culture de base du public. Dans La Distinction le sociologue Pierre Bourdieu qui étudie les relations entre le goût artistique et les classes sociales rappelle que celui qui n’a jamais été culturellement emmené à l’écoute des œuvres musicales classiques, n’entend que du bruit lorsqu’il est confronté pour la première fois à cette écoute. Il est incapable de saisir une mélodie et le phrasé, le rythme, les harmoniques, et tout ce qui rend une œuvre musicale intéressante, aimable, admirable aux oreilles de l’amateur.

Enfin, de même que chaque être humain découvre sa  propre pensée en apprenant à avoir une parole singulière, de même chaque œuvre d’art est l’expression d’un usage absolument singulier des codes et techniques de son art en usage à son époque.  Si l’art est un langage, alors l’œuvre d’art est absolument singulière, et c’est pourquoi elle est signée, et si toutefois elle ne l’est pas, les critiques d’art et spécialistes peuvent reconnaître son auteur dans ce style absolument sien qui est en jeu dans l’œuvre. L’œuvre est dès lors la parole singulière de l’artiste, et c’est cette parole que cherche à comprendre l’amateur d’art.

Ces codes sont ceux d’une culture, nécessairement circonscrite dans une époque. Toute œuvre d’art s’inscrit en effet dans un contexte culturel et le spectateur qui veut réceptionner le message doit connaître les symboles et les codes de cette époque. Sans être informé des codes en jeu dans l’art, le spectateur ou l’auditeur risque de ne pas comprendre le message de l’artiste.

Ainsi, l’ensemble des ready-mades reste une énigme et un scandale si on ne connaît pas l’histoire de l’art et les types d’expérimentations qui s’y exposent. Fontaine fabriquée à partir d’un urinoir renversé ne peut pas se comprendre sans être un minimum au courant du questionnement sur ce qu’est une œuvre d’art que veut relancer l’artiste par cette œuvre du tout début du XXe siècle et qui invite à comprendre à quel point n’importe quel objet se sublime dès lors qu’il appartient à une œuvre d’art. Marcel Duchamp met dès lors en lumière, dans Fontaine , le pouvoir artistique de métamorphose de l’objet, même si cette métamorphose est bien antérieure aux expérimentations du ready-made puisque c’est le propre de l’art en général. Ainsi, les natures mortes subliment un instant dans sa banalité, mettant aussi en lumière, en tant qu’expression artistique du baroque, la fugacité temporelle.

Si les œuvres contemporaines exigent une mise en situation historique pour être bien comprises, les œuvres du passé, figuratives et donc plus aisément décryptables, n’échappent que rarement cependant à l’apprentissage des codes en cours de leur époque pour être bien comprises, car ces codes ne sont pas nécessairement encore en jeu de nos jours.

Quand Quentin Metsys par exemple peint Le Changeur d’or et sa femme (1514), il sait que le spectateur de son époque va tout de suite mettre en relation la pomme qui se trouve sur l’étagère derrière lui et le mythe de l’Éden, la pomme symbolisant aux yeux de tous ses contemporains la tentation du péché originel. La chandelle éteinte sur la droite de l’étagère est décryptée comme le symbole du caractère temporel de la vie, et la balance qui est entre les mains de l’homme, fait écho à la pesée des âmes du jugement dernier. Le miroir sur la table est de même un moyen de signaler au public que le monde en entier est sous l’œil du divin. Et ce même public reconnaît dans le livre que manipule l’épouse un livre d’heures destiné à l’édification morale et religieuse des croyants. Enfin, le petit personnage en rouge dans le miroir lui rappelle saint Zacharie, père de Saint-Jean-Baptiste qu’on retrouve dans d’autres tableaux de l’époque (chez Van Eck par exemple dans La Naissance de Jean le baptiste de 1447) et qui, dans l’imaginaire monothéiste, est le saint spécifique des marchands et prêteurs.

À ces symboles qui lient le tableau à une méditation sur le sens de la vie s’adjoignent des éléments qui sont spécifiquement liés aux préoccupations historiques des contemporains de l’artiste : la pesée de l’or, ainsi que la liasse de lettres de change qui trônent sur l’étagère marquent l’époque : ce tableau est peint au moment où naît un commerce international maritime où le port d’Anvers où habite le peintre joue un rôle central. D’où le sujet du tableau : le commerce international exige l’établissement d’un change de monnaie, et puisque les monnaies n’obéissent à aucune norme internationale, il est nécessaire de procéder à la pesée de l’or et de l’argent qu’elles contiennent.

Dans ce tableau, les éléments s’opposent et s’équilibrent entre les préoccupations matérialistes – la pesée de l’or nécessaire au change d’un commerce qui s’internationalise – et les préoccupations morales et religieuses – les symboles en jeu dans le tableau, mais aussi la sérénité du visage de l’épouse et sa ressemblance avec les icônes des Vierges médiévales –.

Sans la connaissance de ces codes en usage à l’époque de Quentin Metsys, le sens du tableau, c’est-à-dire le message du peintre au public, restera inaudible. Mais si on les connaît, éclairés que nous sommes par les historiens, le tableau devient clair. C’est un avertissement que présente le peintre : le capitalisme mondialisé qui démarre et dont le port d’Anvers était un important carrefour peut aller dans un sens ou dans un autre. Il s’agit d’une exhortation à un capitalisme moral, sous le regard du divin, inspiré par les Écritures saintes. Le peintre met, en effet, en garde le public : l’argent ne doit jamais être la seule préoccupation de ceux qui le manipulent, sous peine de devenir d’horribles avares ou d’affreuses âmes cupides que Quentin Metsys a représentés dans  Les Usuriers , un tableau qui se situe dans le même cadre que dans Le Changeur d’or , la femme et l’âme qu’elle incarne, ainsi que l’ordre, l’harmonie, et les symboles religieux ayant disparu, les personnages étant en proie aux pires désordres que provoque l’amour de l’or. Ils ne sont plus des êtres humains, aux yeux de l’artiste. Ils sont devenus des caricatures.

l’artiste a un but, et ce but est à la fois dans l’œuvre, et dans l’émotion qu’il veut susciter par cette œuvre dans son public. C’est pourquoi l’œuvre d’art est un formidable médium pour l’artiste engagé. Ainsi, Ken Loach a fait de son œuvre cinématographique le moyen de conduire le public à des prises de conscience politiques. Il met en scène, en effet, les expressions de la misère au Royaume-Uni et les ravages des politiques publiques libérales ou de la mondialisation de Margareth Thatcher sur les laissés pour compte de la société (voir Raining Stones ou It’s en Free Word ). L’artiste alerte alors le monde, lui donne à vivre des vies qu’il n’a pas l’occasion de vivre, sensibilise son public à des problèmes qu’il s’agit de prendre en compte.

Même si l’art ne se réduit pas à l’art engagé, et même quand il veut n’être qu’un art pur, un art pour l’art, l’œuvre offre toujours un message qu’il s’agit pour le public de décrypter. Ainsi, le poète parnassien, attaché à la pure forme et à la seule perfection, rappelle que l’œuvre d’art n’a pas à être utile pour être justifiée, que sa beauté est en soi une justification, et que sa mise en œuvre relève d’une technicité qui la rattache au savoir-faire artisanal. Ce faisant, il met aussi en lumière le fait qu’il y a en l’être humain une aspiration à l’idéal que la poésie de Baudelaire s’efforce d’incarner [2] .

Le propre du langage c’est de conduire, soit à un changement de comportement chez le récepteur, soit à un message en retour. Or, l’art ne cesse de faire évoluer la société. En exposant une sensibilité, d’autant plus communicable qu’elle est d’autant plus singulière, comme si en trouvant ce qu’il a d’unique à dire et la manière absolument unique avec laquelle il peut le dire, l’artiste trouvait un langage universel qui dépasse les codes artistiques de son époque, l’artiste donne à vivre au spectateur ou à l’auditeur de son œuvre, une expérience qu’il n’aurait pas pu vivre dans sa propre vie, souvent aux antipodes de ce qui lui est ainsi présenté.

Comme l’explique Bergson dans la Perception du changement , l’artiste avec sa sensibilité, son détachement à l’égard des préoccupations ordinaires et son aptitude à retranscrire une vision du réel est comme un révélateur photographique. Il a dès lors un rôle essentiel à jouer dans le monde, il fait évoluer non seulement la sensibilité esthétique du public, mais aussi l’ensemble de sa relation au monde.

Ainsi, pour Aimé Césaire, poète martiniquais, l’art nègre interpelle l’Occident qui, selon lui, a pour caractéristique première d’être à l’origine d’un système de pensée qui « lui a permis de vaincre et de dominer la nature ». Mais en même temps que la nature était l’objet d’une domination occidentale, certains êtres humains durent subir une domination parallèle à celle qui s’exerçait sur la nature. Ils furent réifiés, comme ce fut le cas des Africains, transformés en chose, déformés par des stéréotypes racistes. L’apparition de « la négritude » dans l’art, dans la musique, le jazz, dans la poésie, a, selon Aimé Césaire, provoqué un choc : l’art a « dérangé l’image que l’homme blanc se faisait de l’homme noir », il lui restituait son humanité, il créait de ce fait même un véritable humanisme fait à la fois d’universel et de dialogue. Cet art fut, affirme-t-il « une machine de guerre contre le colonialisme et le racisme, et c’est là sa justification ». Mais, ajoute-t-il immédiatement, à cette machine de guerre ne se réduit pas l’art africain, ou afro-américain. Il y a une positivité en soi de l’art qui l’emmène au-delà de tout discours, de tout message d’engagement. Car l’œuvre d’art n’est pas qu’une énigme ou une série d’énigmes à résoudre, un message à réceptionner. C’est un mystère. Il fait un pont entre le monde profane et le monde sacré.

Quand Magritte peint La trahison des images où une pipe peinte est sous-titrée, « ceci n’est pas une pipe », il met l’accent sur le fait que l’œuvre d’art ne peut pas se réduire au mot ou à une phrase. Le mot en effet s’oublie comme matérialité sauf précisément dans la poésie qui lui redonne son épaisseur sonore et graphique. Le mot n’a pas d’existence pour lui-même, hormis dans les usages artistiques du langage. Il s’oublie en tant que signifiant au profit du signifié.

Or c’est une situation que l’œuvre d’art ne connaît pas. C’est en effet essentiellement une réalité matérielle qui est remarquable précisément parce qu’elle se compose et s’organise de telle sorte qu’elle frappe les esprits par sa beauté ou par la puissance de son expressivité. L’œuvre d’art s’offre comme objet privilégié aux sens, avant d’évoquer telle ou telle réalité extérieure à elle-même. Même lorsque le spectateur décrypte un message dans l’œuvre d’art, ce message a moins de valeur que l’œuvre, et c’est toute la différence avec le langage qui est entièrement dévoué au message et n’a pas de valeur en lui-même. Il peut y avoir des œuvres qui ont de beaux messages et qui  ne sont pas de grandes œuvres d’art. La valeur du message n’est pas la raison de la valeur de l’œuvre d’art qui tient à sa beauté et à la puissance de son expressivité.

Dans l’usage du langage articulé, les êtres humains s’efforcent d’éliminer toute confusion, toute imprécision pour que la communication soit peu équivoque que possible. C’est pourquoi l’école républicaine qui s’efforce d’éduquer de futurs citoyens et de futurs membres de la communauté sociale cherche à étendre le plus possible le vocabulaire des enfants qu’elle enseigne. Il s’agit d’apprendre à avoir le mot juste. Ce travail sur le langage permet une communication sans ambiguïté, sans quiproquos, et dès lors sans erreur.

Au contraire, l’œuvre d’art cultive une plurivocité parce qu’elle est à la conjonction et même si l’œuvre d’art est porteuse d’un message, ce message est toujours énigmatique et aucune interprétation n’est assurée d’atteindre la vérité définitive.

De ce fait, si le langage peut mentir, l’art tout en usant d’imagination ne ment jamais, parce que son message est ouvert et vise surtout à mettre en lumière la beauté, la force, le mystère de la vie. S’il y a dialogue entre l’artiste et le contemplateur par la médiation de l’œuvre, ce dialogue n’a donc rien de figé et ne peut pas non plus se comparer à un dialogue par la médiation du langage où la parole de l’un répond à la parole de l’autre dans un aller-retour permanent. L’artiste propose son œuvre, et suscite des émotions et des interprétations, mais celles-ci ne relancent pas la conversation avec l’auteur. S’il y a dialogue à partir d’une œuvre d’art, c’est dès lors avec d’autres membres du public de l’œuvre.

Dans l’usage du langage articulé, le message vient d’un émetteur qui s’efforce d’être aussi clair que possible, de façon à éviter toute confusion. De ce fait, le message ne doit rien au récepteur, et quand ce dernier y met sa propre interprétation et le change, c’est alors une forme d’échec de la communication. Il y a erreur, quiproquos, mécompréhension. La bonne communication de ce fait est unilatérale : un émetteur émet un message qui est simplement reçu par le récepteur. Et puisque le langage humain est destiné au dialogue, ce récepteur va répondre en émettant à son tour un message.

Dans l’œuvre d’art, la communication est différente, car elle doit autant au public, son récepteur, qu’à l’artiste, son émetteur. La sensibilité du public à l’œuvre d’art suscite en effet une créativité dans le public qui est aussi personnelle et libre que l’est la créativité artistique. C’est d’ailleurs pourquoi des interprétations artistiques d’œuvre d’art sont possibles. Des artistes inspirés par ce qu’ils entendent ou voient recréent l’œuvre à leur manière.

C’est particulièrement vrai de la musique où les grandes œuvres du passé ne cessent d’être interprétées par les musiciens du présent, et ces interprétations deviennent des œuvres d’art elles-mêmes. Les variations Goldberg de Bach jouées par Glenn Gould représentent une œuvre en soi, tant le musicien s’est attaché à une forme de fidélité à l’esprit de la musique tout en manifestant « une grande variété d’atmosphère et une impression de liberté qui rendent cette magnifique version des Variations Goldberg de Bach particulièrement vivante et attachante » explique France musique.

Mais c’est vrai aussi de la peinture, et par exemple La Joconde peinte par Léonard de Vinci n’a cessé d’être interprétée et détournée par les artistes contemporains. Le premier à avoir proposé son interprétation est le suprématiste russe Kasimir Malevitch qui l’intégra dans un collage. Mais la plus célèbre des réinterprétations est celle de Marcel Duchamp qui dévoila au monde le caractère ambigu du sexe du modèle en la dotant de moustache et d’une barbichette : et si Mona Lisa était une femme ?

Dans La Critique du jugement , kant explique que l’œuvre d’art est issue d’un libre jeu des facultés de l’artiste, l’entendement s’alliant en lui à l’imagination et aux sensations dans un mouvement qui a quelque chose du jeu, dans sa liberté. C’est pourquoi, souvent, l’artiste est incompris à son époque. Cette liberté qui est le propre de son génie crée une esthétique qui est celle du futur, et non celle de son temps. Cette liberté ne se déploie pas que dans la création de l’œuvre, cette même œuvre suscite une liberté interprétative chez celui qui la perçoit. Si parfois l’œuvre choque son public, parfois aussi, le public se libère des intentions de l’artiste, et voit autre chose que ce que l’artiste a voulu dire. C’est souvent avec le recul du temps qu’une telle liberté du public se met en scène.

Souvent cette liberté interprétative du public va bien au-delà des intentions de l’artiste. Aucune œuvre peut-être n’a suscité autant d’interprétations éloignées du message originel que Les Ménines de Velasquez, peintes en 1656. Ce tableau pose une énigme évidente à tout public la contemplant :  que regardent à la fois l’infante qui se trouve au cœur du Tableau et le peintre qui semble saisir sur sa toile invisible une scène qui est hors champ et se trouve en réalité à la place du spectateur ? Est-ce la représentation cachée du public que le peintre est en train de peindre, un sujet impossible à peindre, car continuellement changeant, ou bien ce roi et cette reine qui se reflètent dans le miroir du fond ? Tout se passe comme si Velasquez avait voulu intégrer l’une des dimensions les plus importantes de l’art : le fait que l’œuvre n’existe pas sans le regard d’un public qui, dans les Ménines, semble aspiré au cœur du tableau. Pour Luca Giordano, un peintre italien et contemporain de Vélasquez, ce tableau de ce fait incarnait « la théologie de la peinture ». Pour le philosophe Michel Foucault qui consacra le premier chapitre de Les Mots et les choses à l’interprétation des Ménines , il met en scène la représentation elle-même dans la triangularité : modèle, peintre, spectateur ; et c’est ce qui explique son importance au sein du patrimoine mondial de l’humanité.

Mais un examen aux rayons infrarouges a révélé que toutes ces interprétations étaient nées d’un repentir aux raisons historiques. Une partie du tableau n’existait pas dans sa première version : Vélasquez et son chevalet n’en faisaient pas partie. À la place, il y avait un page qui tendait le bâton de pouvoir à l’infante. Cette petite fille devait alors succéder au roi, mais ce dernier ayant finalement eu un fils, il fallait « sauver le tableau » en en faisant autre chose que la présentation de cette succession initiale. En se peignant, lui-même, en train de peindre, pour cacher la remise du bâton de pouvoir, le peintre a alors créé une œuvre qui, dans les questions et interprétations qu’elle suscite, a largement dépassé ses intentions expressives initiales, et qui est devenue l’emblème de la nature artistique de l’œuvre qui dépend autant du regard du spectateur que des intentions de son créateur.

La principale distinction entre l’artiste et l’artisan vient du fait que ce dernier sait exactement où il va quand il commence son œuvre. Il procède de l’exécution simple de l’idée qu’il s’en fait. Au contraire, l’artiste se caractérise par le fait qu’il est souvent emmené en partie, par son œuvre, qui semble avoir une vie propre. Le travail de l’artiste procède, en effet, comme l’explique Platon dans Le Banquet , d’un accouchement. L’œuvre est l’enfant de l’artiste, à la fois issue de lui, et autre que lui. Elle lui échappe. Elle s’impose à lui, comme s’il n’était que l’instrument de sa mise en monde.

On peut comprendre dès lors pourquoi Léonard de Vinci ne parvenait pas à quitter ses propres œuvres, à les livrer aux commanditaires initiaux, conservant celles qu’il possédait encore sous le prétexte qu’elles n’étaient pas terminées, laissant d’ailleurs beaucoup de ses œuvres inachevées : par le sfumato, elles se dévoilaient à lui. Le visage du modèle que fut la personne historique de Mona Lisa, par exemple, recouvert par les multiples couches, dévoilait à l’artiste une femme tout autre, idéale sans doute, née d’une longue méditation créative. Et peut-être en tombait-il amoureux, ce qui l’a conduit à toujours refuser de se séparer de ses œuvres quand il le pouvait, les emportant avec lui en France, quand il suivit François 1 er , au lieu de les livrer à leurs commanditaires.

C’est cette force de l’œuvre qui entraîne l’artiste sur des chemins qu’il n’avait pas nécessairement prévus qui est à l’origine de l’explication que les Grecs de l’Antiquité se faisaient des œuvres d’art : l’aède n’était pas pour eux l’inventeur de son œuvre, il était considéré comme inspiré directement par le divin, par les Muses qui se servaient de lui pour guider les êtres humains. Freud explique, de son côté, cette échappée de l’art par le fait que l’œuvre s’enracine dans l’inconscient, et représente en quelque sorte la sublimation des conflits intrapsychiques.

Cette inspiration par le haut du divin ou par le bas de l’inconscient explique pourquoi l’artiste est surpris par son œuvre qui lui échappe toujours en partie, ce qui fait que l’interprétation qu’il a lui-même de son œuvre est toujours insuffisante. Quand un artiste entend commenter son œuvre, il est souvent étonné, intéressé, il n’en revient pas de ce que les autres ont vu dans son œuvre, et parfois aussi il est déçu de ce regard extérieur. C’est que l’interprétation de l’artiste rencontre l’interprétation du public, et celle-ci est aussi libre que la sienne. En cela, l’œuvre n’est loin d’être seulement un message, la parole singulière d’un artiste. Elle est autant le support de ce message que de la rêverie interprétative des spectateurs.

5. L’art est plus un miroir ou un révélateur du réel qu’un langage

Chacun réceptionne en effet une œuvre en fonction de ce qu’il éprouve, sensoriellement, mais aussi en fonction de sa culture, de sa propre subjectivité, ce qui fait de l’œuvre d’art bien autre chose qu’un message linguistique. C’est un miroir, et autant un miroir de l’époque de l’œuvre, que de celle du public, autant celui de l’âme du créateur que de celui du récepteur.

Si l’on prend, par exemple, l’œuvre futuriste à son époque de Luigi Russolo, Dynamisme d’une automobile , on voit en jeu cette autonomie de l’œuvre et des interprétations qu’elle suscite au regard des intentions de l’autre, et le rôle de miroir qu’elle joue pour l’humanité. Le sujet de la peinture est en effet, comme le titre l’indique, une automobile en mouvement qui semble passer une sorte de mur du son. Cette œuvre fait écho au Manifeste technique de la peinture futuriste de 1910 qui affirme « qu’il faut balayer tous les sujets déjà usés, pour exprimer notre tourbillante vie d’acier, d’orgueil, de fièvre et de vitesse ». Mais ce tableau est aussi l’expression d’une époque : les futuristes italiens ont soutenu Mussolini. Leur fascination pour la force brutale de la puissance mécanique et industrielle s’allait aux idéologies brutales de l’époque. Or, symboliquement, ce tableau incarne cette force brutale, la violence, la puissance, mais aussi le caractère régressif que cela représente : la voiture s’élance en effet dans un mouvement qui, en Occident, contrarie la représentation du déroulement temporel qui suit l’écriture de gauche à droite. C’est ce qui fait qu’au cinéma, les bons avancent le plus souvent de gauche à droite, tandis que les méchants viennent de la droite et s’acheminent vers la gauche. Ou encore ce qui vient du passé, marche vers la gauche, tandis que ce qui va vers l’avenir vers la droite. Le célèbre duel d’ Il était une fois dans l’ouest de Sergio Leone (1969) incarne la pureté de cette symbolique.

À bien des égards, de ce fait, Dynamisme d’une automobile se fait le miroir d’une époque fascisante, dominée par la technologie, et par la violence que cette technologie impose au paysage naturel et humain, mais non dans le sens d’une progression futuriste. Ce tableau incarne de ce fait autant la régression civilisationnelle que représente l’idéologie du futurisme dans son lien au fascisme que la fureur mécanique de la vitesse.

6.     Du message à décrypter au mystère

Cette capacité de l’œuvre à échapper à son auteur n’est pas une faute, une erreur, mais bien un accomplissement, car l’œuvre d’art ne peut pas rester enfermée dans une intentionnalité qui la ramènerait au seul monde réel. Elle a un pied dans l’imaginaire et dès lors est le moyen par excellence de mettre en scène l’au-delà du réel, et tout particulièrement le mystère.

Peut-être aucun tableau que La Joconde de Léonard de Vinci n’incarne mieux ce dépassement de toute tentative des amateurs d’art pour comprendre l’œuvre et la nécessité pour le public d’être confronté à un mystère indépassable. Si l’énigme que porte toute œuvre est destinée à être dépassée, notamment par le travail des historiens et des critiques d’art, le mystère c’est l’acceptation d’une impossibilité de tout comprendre.

La Joconde est énigmatique  et interpelle l’intelligence du spectateur de plusieurs manières : qu’est-ce que cette femme, quel est le sens de ce mystérieux sourire qui est le sien, pourquoi a-t-on l’impression que ses yeux suivent le regard du spectateur quand il se déplace, qu’est-ce que ce paysage dans la brume qui est derrière elle ? À ces énigmes, il faut adjoindre l’énigme de sa célébrité : pourquoi ce petit tableau fait-il figure d’emblème même de la peinture et déplace-t-il les foules ?

Parlons d’abord du sourire : c’est le premier portrait historique qui intègre le sourire de l’être humain. Le sourire n’est pas n’importe quoi. C’est ce qui, avec le regard, transforme la gueule animale en visage humain. Le sourire, c’est la bouche qui ne mord plus, ni ne dévore, mais s’offre à autrui comme un signe de bienveillance et d’amitié. Le sourire en relevant les pointes de la bouche oriente le regard vers les yeux de celui qui sourit. Or, le croisement de regards entre la femme peinte et le spectateur que semble étrangement permettre le tableau de Léonard de Vinci porte une signification d’interaction sociale et intime proprement humaine. Dans le monde animal en effet le croisement de regard initie une agression à venir. Chez l’enfant humain, cette capacité est le signe d’un bon développement psychique. Le sourire instaure une égalité radicale entre deux sujets de conscience qui, à la fois, s’offrent à la pénétration du regard de l’autre et pénètrent dans le regard de l’autre. Cette interaction est, dit-on, d’âme à âme. Elle signe une reconnaissance mutuelle de l’état de sujet de regard. En regardant les autres êtres humains dans les yeux, le petit humain entre donc dans le monde des êtres humains, où des consciences communiquent et partagent leurs expériences. La Joconde semble donc mettre l’accent sur l’essentiel de ce qui fait l’humanité de  l’être humain : ce croisement de regards et ce sourire.

Les énigmes de La Joconde rebondissent cependant quand on cherche à savoir qui est cette femme qui y est présentée. S’agit-il, comme en témoigne Vasari, de Mona Lisa, l’épouse d’un marchand florentin, Francesco del Giocondo, et que Léonard de Vinci aurait peinte durant plus de quatre ans ? Bien d’autres hypothèses sont en jeu depuis que Marcel Duchamp a mis en évidence le caractère masculin de la personne qui est représentée dans le tableau. Certains y voient Léonard de Vinci lui-même qui se serait féminisé, ou Salai (en italien :« petit diablotin ), c’est-à-dire Giacomo Caprotti da Oreno, son assistant et, éventuellement, amant. Mais ces explications ne tiennent pas selon les spécialistes du Louvre qui confirment que le modèle du peintre fut bien Mona Lisa, mais une Mona Lisa tellement transformée par le sfumato, cette technique picturale dont Léonard de Vinci fut l’inventeur, qu’elle en devient l’incarnation d’une sorte d’idéal féminin, une femme éternelle, d’autant plus belle qu’elle n’a plus rien de mignard et qu’elle assume un certain trouble dans le genre.

Ce sfumato, qui obtient un effet vaporeux par une superposition de plusieurs couches de peinture, participe de la fascination que l’humanité connaît à l’égard de ce tableau. Cette technique n’a pas seulement été inventée par Léonard de Vinci, aucun peintre n’a jamais réussi, en dehors de lui, à en faire correctement usage. Or il donne aux contours en jeu dans le tableau un côté imprécis qui accorde aux formes une délicatesse et une douceur qui, à la fois, participe à un réalisme exceptionnel – celui-là même qui faisait dire à Vasari que ce tableau était inimitable tant il semblait avoir donné au corps de Mona Lisa une chair où l’on pouvait presque voir battre le pouls dans le creux de son cou – et à une transcendance qui va bien au-delà de la chair. Ce sfumato semble pouvoir autant traduire la réalité physique que la réalité psychique et même spirituelle de cette femme éternelle qui est présentée dans ce paysage étrange que présente le tableau.

Le paysage en arrière-plan et sur lequel se découpe cette femme a un côté fantastique rarement en jeu à l’époque du peintre. Dans La Joconde , un pont semble mener le regard du monde étonnamment réaliste à un monde onirique, imaginaire et poétique.

Aussi intéressantes que soient ces tentatives pour résoudre l’énigme qu’offre ce tableau, aucune d’entre elles ne peut définitivement emporter l’adhésion. S’i l est si fascinant, c’est qu’il nous emmène vers le mystère. Le mystère est en effet ce qui est plus grand que soi et qui nous met en contact avec l’au-delà.  Et c’est précisément ce qu’exprime Vasari quand il parle du sourire de Mona Lisa : « il y a dans ce tableau un sourire si attrayant qu’il donne, à le voir, le sentiment d’une chose divine plutôt qu’humaine ». Les recherches alchimiques de la Renaissance qui étaient en quête d’un chemin qui mène de l’absolument humain au divin se sont incarnées dans ce tableau où réalisme et transcendance s’entremêlent, obligeant le spectateur à accepter son incapacité à réduire le tableau de Léonard de Vinci à un message.

7. L’art est à la fois la perfection du langage et son dépassement, ce faisant, il se révèle être l’expression du muthos

Si l’art semble un langage et semble aussi tout autre chose et bien plus complexe que le langage, c’est parce qu’au fil du temps, les êtres humains ont séparé, dans le langage, deux fonctions initialement confondues : le muthos et le logos.

Le logos est la partie du langage qui vise la vérité objective, et dès lors traduit une pensée précise, obéissant au principe de non-contradiction, pouvant dès lors être soumise à une vérification quant à sa véracité. Un énoncé linguistique peut de ce fait, être vrai, erroné ou mensonger. Le logos trouve son aboutissement dans le discours scientifique, un discours rationnel, objectif du fait de sa confrontation à l’expérience.

De son côté, le muthos se rattache aux mythes bien sûr, mais les mythes relèvent eux-mêmes d’un usage plus ancien du langage : la poésie, ce discours chanté de l’Aède qui était considéré comme inspiré par les Muses, ces déesses dont la fonction était précisément de guider l’artiste dans l’élaboration d’une œuvre qu’on pensait alors fécondée par le divin lui-même. Le muthos, c’est le langage inspiré qui ne peut s’exprimer que par des métaphores, des expressions sonores (allitérations et assonances) qui créent la beauté et la puissance expressive. Or, les grands mythes ne cessent d’être interprétés, aucune interprétation en effet ne les cerne complètement et siècle après siècle, ils parlent aux êtres humains d’une manière singulière et toujours renouvelée, en lien avec les préoccupations de chaque époque. Le muthos est, par excellence, le langage de l’art.

Ainsi, l’Œdipe de Sophocle qui reprend lui-même un mythe plus ancien et qui existait dans une transmission orale devait certainement parler à ses contemporains tout autrement qu’à Freud qui en fit un stade dans la construction du psychisme humain. Cette équivocité du muthos et de la parole inspirée faisait des paroles de la Pythie, la prêtresse devineresse de l’Antiquité, un discours mystérieux et incompréhensible, jusqu’à ce que les événements prédits eux-mêmes en révèlent le sens.

Cette plasticité du muthos   soutient la vivacité des œuvres d’art qui ne sombrent pas avec l’évolution des temps, mais perdurent, suscitant chez les amateurs d’un présent continuellement renouvelé de nouvelles interprétations. Si l’univocité du logos est la garante d’une bonne communication, la plurivocité du muthos crée une œuvre dont le sens doit autant au spectateur qu’au créateur.

En étant plus qu’un langage, le muthos qui est aussi le langage du rêve, est par excellence le langage de l’âme humaine qui ne peut s’exprimer dans le logos sans perdre l’essentiel de ce qu’elle veut dire. Ainsi, l’amour ne peut se dire qu’en poème, le rapport à l’idéal ou au mystère qu’en musique, danse ou en peinture, tandis que l’indignation face aux injustices de ce monde trouve le moyen de s’exprimer de manière particulièrement vive et d’éveiller les consciences dans les œuvres d’art de notre temps.  C’est sans doute le sens de cet ultime œuvre de Léonard de Vinci, où son interprétation du saint chrétien annonciateur qu’est Jean-Baptiste lui fait lever l’index vers le Ciel, engageant le spectateur à comprendre que le sens véritable du monde n’est pas dans le monde, mais dans son lien à l’au-delà que ce lien soit religieux ou simplement humaniste et s’exprime dans les idéaux.

L’art est-il un langage ? Incontestablement, l’art qui est l’enfant du langage ressemble à un langage particulier que l’artiste utilise pour faire passer un message à son public. Il use pour cela des codes de son art, et s’exprime aussi à partir de la culture de son époque et en particulier de la culture artistique alors en jeu.  Mais l’art dépasse cette culture au sens où il engendre des œuvres qui restent dans le patrimoine mondial de l’humanité et qui font un pont entre les générations les plus éloignées. C’est que l’œuvre d’art ne se laisse pas enfermer dans les intentions de son auteur, souvent elle engendre dans le public des interprétations qui n’ont plus rien à voir avec celles-ci. L’art est un langage, mais il est bien plus qu’un langage. Il est le miroir du monde, cette patrie des hommes sur Terre, que chaque œuvre d’art construit en dépassant la fermeture des cultures et en créant un patrimoine commun à toute l’humanité. L’art en tant que langage n’a pas le fonctionnement de ce logos que les Grecs distinguaient du muthos . Il est une expression du muthos, dans son lien à la beauté, au divin, au mythique, à l’imaginaire, à l’onirique, et à l’inconscient. De ce fait, l’œuvre d’art est toujours à interpréter. Elle est une énigme ou une série d’énigmes. Et elle est plus encore. Son expression de ce fait, loin d’être  une communication claire, transparente et évitant toute plurivocité, se veut le miroir plurivoque des aspirations du public autant que de l’auteur, et des subjectivités, mettant particulièrement en avant le lien de l’humanité au mystère.

[1] Pour savoir qui est la Callas et comment elle a révolutionné le chant d’opéra : https://www.francemusique.fr/opera/10-petites-choses-que-vous-ne-savez-peut-etre-pas-sur-maria-callas-38900

[2] Le Parnasse est un mouvement poétique né en France, au XIXe siècle, et à la suite des prises de position de Théophile Gautier. Ce mouvement refuse la soumission de la poésie, de la musique ou de toute autre forme d’art au lyrisme du romantisme qui déjà s’attaquait à des sujets sociaux et politiques pour faire évoluer la société. Pour le poète parnassien, l’engagement artistique est une manière de dévaluer l’art, de le rendre utile. Pour lui, l’art n’est pas et n’a pas à être utile, il est nécessaire, il répond à une aspiration humaine à l’idéal.

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L’art est-il un langage?

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Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction.

Si une catégorie d’individus se distinguent par le fait qu’ils soient qualifiés sous la dénomination d’artiste, cela signifie que l’art n’est pas une activité à la portée de tout un chacun. Seules les spécialistes les personnes initiées à ce domaine peuvent porter un jugement juste sur ces réalisations. Pour le commun des mortels, l’art peut se prêter à diverses interprétations qui sont autant arbitraires et mêlées à des opinions. Et pourtant, le titre d’artiste exige qu’il communique ses émotions et ses sentiments à un public averti ou ignorant. Ce devoir implique donc qu’il use de son talent pour faire de son art un langage compréhensible. Kant l’a confirmé dans Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée : « Penserions-nous beaucoup et penserions-nous bien si nous ne pensions pas en commun avec d’autres qui nous font part de leurs pensées et auxquels nous communiquions les nôtres ? » Car avant de concrétiser son imagination à travers la matière, l’artiste a conçu en esprit une Idée qui est l’essence même de sa création. Cependant, le résultat qui se porte à notre sensibilité n’est en rien universel, et recèle un sens caché ou en second degré qu’il n’est pas toujours évident d’appréhender. Sachant que l’art se déploie en tant que symbole de l’esthétique, sa fonction langagière se trouve alors subordonnée à cette nature prédominante. Est-il possible de créer un langage à l’intérieur de l’empire du Beau ? Pour savoir si l’art détient toutes les caractéristiques d’un langage, nous traiterons en première partie le monde de l’esthétique à l’intérieur duquel œuvre l’artiste ; puis nous analyserons en seconde partie les points essentiels qui qualifient en commun les différentes formes de langage ; et pour terminer nous synthétiserons par la forme spécifique de l’art qui se fait comprendre de façon authentique par chaque individu.

I) Les œuvres d’art traduisent en réalité sensible l’idée du Beau

On reconnaît immédiatement l’art par une manifestation corporelle, ce qui est perceptible à travers la sensibilité. Cette existence n’est pourtant pas du même ordre que les autres objets de la nature ou issus de l’artisanat, car ces derniers se vouent à une présence factice ou aux principes utilitaristes de l’homme. En effet, l’art détient une fonction représentative, soulignant d’une part une réalité à représenter et d’autre part, un support matériel qui donne du sens à ce modèle. Autrement, cette activité se donne particulièrement à se saisir dans sa réalité sensible, et fait partie des symboles sociaux incontournables. « L’art, dit-on est le règne de l’apparence, de l’illusion, et ce que nous appelons beau pourrait tout aussi bien être qualifié d’apparent et d’illusoire » . Cette citation d’Hegel tirée de l’Esthétique nous montre la véritable nature des œuvres d’art, et décrit fidèlement le sens profond de notre état d’émerveillement devant la beauté de ces créations. La notion de beauté en art devient alors problématique, dans le sens où elle nous détourne de ce qui est pour faire valoir ce qui paraît. Peut-on en déduire que l’apparence est inutile ? En y répondant par l’affirmative, cela implique que c’est l’art lui-même qui n’a pas sa raison d’être, or il s’agit d’une négation purement fictive. La prétendue inutilité du beau, mais également de l’art, n’enlève en rien à sa valeur et à sa présence dans le quotidien des hommes. Rappelons que l’activité de l’artiste prend source dans une imagination créatrice qui émane de sa propre liberté, et que rien en dehors de lui ne peut entraver. On peut emprunter ce passage de L’imaginaire de Sartre pour illustrer cette idée : « L’irréel est produit hors du monde par une conscience qui reste dans le monde et c’est parce qu’il est transcendentalement libre que l’homme imagine ». Dans le domaine artistique, l’imaginaire et la beauté sont donc étroitement corrélés, dans le sens où le produit sensible qui en découle reflète à la fois une part de ces deux entités. En imaginant son œuvre par la pensée, l’artiste fait donc advenir l’idée du Beau à l’existence, et ce, en s’inspirant et en dépassant la nature et la banalité des choses quotidiennes. Non seulement le beau dans l’art émane de cette excellente forme de médiation, mais également par cette façon de tourner un instant le dos à la quotidienneté, pour pouvoir donner consistance à l’imaginaire. C’est pourquoi Platon disait dans La République : « Quel but se propose la peinture relativement à chaque objet ? Est-ce de représenter ce qui est tel qu’il est ou ce qui paraît tel qu’il paraît ? Est-ce l’imitation de l’apparence ou de la réalité ? _ De l’apparence, dit-il ».

A part la beauté, l’apparence et l’imaginaire sont les principaux attributs de l’art, des notions qui sont pourtant incarnées dans la matérialité de l’œuvre. Bien que taxé d’être dépourvu de réalité, il déploie également une forme de communication, ce qui le met en fonction parallèle avec le langage.

II) Le langage est tout système de signes échangés entre les hommes

L’art est une manière particulière au sein d’une culture de véhiculer une idée qui est lui est identitaire. Ce qui le distingue est sa nature esthétique, tandis que les autres pratiques visent un but politique, économique ou organisationnel. En se focalisant particulièrement sur le langage, l’on constate que c’est une institution à part entière, incorporée par tout un peuple et transmise en des générations successives. Faisant également l’identité d’une culture, le langage représente une forme de rationalité à travers l’agencement des mots et des phrases pour exprimer une idée. Mais si on se suffit à établir cette formule claire et préétablie, notre pensée sera incapable de signifier toute l’étendue et la diversité du réel. Comme disait Merleau-Ponty dans son ouvrage Signes : « Le langage signifie quand, au lieu de copier la pensée, il se laisse défaire et refaire par elle. Il porte son sens comme la trace d’un pas signifie le mouvement et l’effort du corps ». A travers cette faculté imprévisible et toujours renouvelé de dire le réel, le langage déploie toute sa richesse et sa singularité. Hormis la langue, parlée ou écrite, il existe plusieurs traits communs qui caractérisent les différentes formes de langage, à savoir le déploiement des signes. Étant une invention humaine qui reflète une universalité de pensée, les signes ne sont pas pour autant une pure facticité, mais révèle une copie la plus proche possible de la réalité dans la pensée. C’est à travers la mise en cohésion de ces entités élémentaires que la rationalité se met en œuvre. Par conséquent, tout langage compréhensible doit contenir ce système de signes déployés de manière rationnelle. Il devient alors le schéma à travers lequel la pensée peut effectivement penser le réel. Autrement dit, « la nature se révèle comme Logos dans le langage de l’homme, et l’esprit qui ne fait qu’apparaître d’une façon contingente dans le visage et la forme humaine trouve seulement son expression parfaite dans le langage », disait Jean Hyppolite dans Logique et existence. Le propre du langage est donc ce pouvoir à projeter la réalité à l’intérieur de ce système rationnellement établi, le langage n’a pas d’utilité si demeure en tant que pure abstraction. Remarquons que ce qui apparaît immédiatement à la conscience lors de l’usage du langage, c’est l’aspect sensible de ces signes, tandis que leur mise en relation de façon cohérente dans la pensée se fait en toute fluidité et inconscience. Cela met en surface l’importance des signes comme véritable support du langage, sans quoi il ne peut avoir de communication de sens et de pensée entre les individus. Mais également, le rôle du langage ne suffit pas à faire connaître le réel à la pensée : par cette connaissance, il permet de mieux rapprocher l’homme avec le monde. « On jouit non des lois de la nature, mais de la nature, non des nombres, mais des qualités, non des relations mais des êtres », constate Georges Canguilhem dans La connaissance de la vie.

Le langage présente principalement une fonction de communication, ce qui est assuré d’une part par la forme rationnelle de la pensée, et d’autre part par l’existence d’un support matériel des signes. L’art, quant à lui, offre certaines similitudes au langage, mais avec plusieurs spécificités.

III) L’art peut assurer la fonction du langage

En comparant l’art et le langage, nous pouvons souligner certaines analogies, notamment l’usage des signes qui se donnent à interpréter. Cependant, dans le domaine de l’art, nous ne pouvons déceler une forme de rationalité dans son expression, ce qui n’est en rien un défaut, mais plutôt quelque chose qui découle de sa nature. Sachons que la valeur de l’art se donne à apprécier par la société et, par conséquent, peut se prêter en tant qu’outil entre les mains des différents groupes d’individus. En ce sens, les différentes formes d’art s’utilisent le plus souvent pour véhiculer une idéologie à se faire accepter par la masse, bien que la fonction originelle de l’art n’y soit pas dédiée. Autrement dit, l’art devient une nouvelle forme de langage, telle qu’il est stipulé par Kant dans son ouvrage Anthropologie du point de vue pragmatique : « Du reste, un artiste dans le domaine de la politique peut, tout comme un artiste dans le domaine de l’esthétique, conduire et diriger le monde par les images qu’il sait faire miroiter aux lieux et places de la réalité ». Ici, l’homme politique s’inspire des pratiques de l’artiste pour aiguiser son savoir-faire, notamment l’art oratoire : ainsi, le langage se transforme lui-même en art. Par ailleurs, il est des cas où de véritables œuvres d’art sont utilisées par leurs créateurs pour exprimer des faits sociaux que les individus n’osent pas dévoiler à cause des tabous et de la censure. Déguisées sous une forme esthétique, ces idées peuvent s’exprimer au grand jour pour avoir une répercussion notable sur la conscience collective et dans la vie en société. En termes d’efficacité, l’usage de l’art en tant que vecteur d’idéologie a déjà fait ses preuves, cependant son pouvoir à changer le monde dépend encore du concours de plusieurs autres facteurs. Comme disait Pascal dans De l’esprit géométrique, « l’art de persuader consiste autant en celui d’agréger qu’en celui de convaincre, tant les hommes se gouvernent plus par caprice que par raison ! ». Il est donc un fait incontestable que l’art n’a pas du tout une place neutre au sein de la société, même si son usage se prête dans le fait de plaire à la foule plutôt que de l’éduquer selon les préceptes de la raison. Soulignons par ailleurs que cette fonction que l’homme du commun lui a attribuée n’altère en rien son essence, par le fait que la beauté authentique de l’œuvre demeure toujours dans le domaine réservé à l’art. La vulgarisation d’une création artistique, notamment pour son usage généralisé en tant que langage entre les groupes et les individus, est un choix en dehors du domaine de l’esthétique. Les déviations qui en découlent sont en effet perceptibles à travers la vie politique et les changements dégradants au sein de la société. Descartes a en effet stipulé la remarque suivante dans Jugement de quelques lettres de M. de Balzac : « Car de la bouche des sages elle est passée dans celle des hommes du commun, qui, désespérant de se pouvoir rendre maîtres de l’esprit de leurs auditeurs en n‘employant d’autres armes que celles de la vérité, ont eu recours aux sophismes et aux vaines subtilités du discours ».

Loin d’être un objet banal, l’œuvre d’art est en effet l’incarnation de toute la vie intérieure de l’artiste, une réalisation qui marquera les esprits de ses contemporains aussi bien que les générations à venir. Cette beauté singulière, une fois passée entre les mains de la plèbe et du pouvoir, devient un outil incontournable pour faire valoir les idéologies dominantes ou, à plus forte raison, pour réformer la structure de la société. L’art est un langage très particulier, originellement entre l’artiste et les amateurs d’art, et par la suite entre les groupes sociaux et ses subordonnées. L’art est toujours et déjà un langage esthétique, et ce langage n’est possible que pour des sujets qui sont ouverts à ce mode d’interprétation. Les signes qui se dévoilent dans une œuvre d’art s’organisent de manière distincte de la méthode rationnelle. Comment donner de la valeur à cette forme irrationnelle de l’art ?

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Cours de philosophie

L’art est-il langage? Hegel.

20 Mar 2008 par Simone MANON

Gian Lorenzo Bernini. L'extase de St Thérése. 1647. 1652. Chapelle Cornaro. St Maria delle Vittoria. Rome

  « Le but de l'art, son besoin originel, c'est de produire aux regards une représentation, une conception née de l'esprit, de la manifester comme son œuvre propre ; de même que, dans le langage, l'homme communique ses pensées et les fait comprendre à ses semblables. Seulement dans le langage, le moyen de communication est un simple signe, à ce titre, quelque chose de purement extérieur à l'idée et d'arbitraire.

   L'art, au contraire, ne doit pas simplement se servir de signes, mais donner aux idées une existence sensible qui leur corresponde. Ainsi, d'abord, l'œuvre d'art, offerte aux sens, doit renfermer en soi un contenu. De plus, il faut qu'elle le représente de telle sorte que l'on reconnaisse que celui-ci, aussi bien que sa forme visible, n'est pas seulement un objet réel de la nature, mais un produit de la représentation et de l'activité artistique de l'esprit. L'intérêt fondamental de l'art consiste en ce que ce sont les conceptions objectives et originelles, les pensées universelles de l'esprit humain qui sont offertes à nos regards ».

                     Georg Wilhelm Friedrich Hegel.  Esthétique .  Textes choisis par Claude Khodoss, Puf, 1988, p. 25. Jankélévitch, III, Première partie.

  Introduction  :

  Hegel aborde dans ce texte le thème de l'art en affrontant la question suivante : quelle est la finalité de l'art ; pourquoi des artistes ? Quel est le sens de cette activité si singulière ? Hegel répond ( thèse) que la finalité de l'art est de satisfaire un besoin de l'esprit.  Nous apprenons qu'il s'agit d'un besoin spirituel, défini comme nécessité pour l'esprit de s'objectiver sous forme sensible. D'une manière analogue au langage, l'art a une fonction d'expression et de communication de la pensée.

   Cette première thèse fonde une nouvelle interrogation  : faut-il assimiler l'art à un langage et dire comme on l'entend souvent que l'artiste dit quelque chose, qu'il communique des significations ? Mais alors pourquoi ne se contente-t-il pas de parler ? Tout l'intérêt de ce texte consiste, après avoir pointé l'analogie de l'art et du langage (Cf. de même que), à établir ce qui les distingue radicalement (Cf. au contraire) ( thèse) .

   En quoi l'expression artistique diffère-t-elle de  l'expression linguistique, autrement dit en quel sens une œuvre d'art est-elle autre chose qu'un discours ? Car il est bien vrai qu'un énoncé signifiant la difficulté d'être, la terreur du néant et l'oppression de l'angoisse est une chose, l'œuvre de Munch intitulée « le cri » une autre. La question est de savoir comment rendre compte de cette hétérogénéité.

I)                   Première thèse : La finalité de l'art est de satisfaire un besoin de l'esprit.

    Expliciter cette thèse, revient d'abord à comprendre que l'homme n'a pas que des besoins matériels.

  La notion de besoin connote celle de nécessité et il nous semble qu'il n'y a de nécessité que biologique. Il nous faut manger, boire au risque de compromettre l'équilibre de la vie ou la survie. Nous ne sommes pas spontanément enclins à utiliser la notion de besoin pour parler d'une exigence spirituelle. Or Hegel parle bien de besoin mais ce n'est pas à ce que nous entendons immédiatement par là, qu'il fait allusion. Il affirme que, parce qu'il est esprit l'homme a des besoins spirituels. Il y a donc une nécessité spirituelle au même titre qu'il y a une nécessité matérielle. La fonction de l'art est d'abord de traduire cette nécessité et de fournir à l'humanité une satisfaction relative à « un besoin originel » dit le texte. Avec cette expression Hegel signifie que ce besoin est originairement lié à notre nature, il n'est pas un besoin artificiel produit par le développement social.

  Avant d'interroger la nature de ce besoin, on peut remarquer que les grands artistes font toujours référence à cette idée d'une nécessité. Dans ses Lettres à un jeune poète  Rilke en fait proprement le signe d'une vocation artistique. « Vous me demandez si vos vers sont bons... Personne ne peut vous apporter conseil ou aide, personne. Il n'est qu'un seul chemin. Entrez en vous-même, cherchez le besoin qui vous fait écrire : examinez s'il pousse ses racines au plus profond de votre cœur. Confessez-vous à vous-même : mourriez-vous s'il vous était défendu d'écrire ? Ceci surtout ; demandez-vous à l'heure la plus silencieuse de votre nuit : « suis-je vraiment contraint d'écrire ? » Creusez en vous-même vers la plus profonde réponse. Si cette réponse est affirmative, si vous pouvez faire front à une aussi grave question par un fort et simple « Je dois », alors construisez votre vie selon cette nécessité ».

  Certes on peut s'étonner de cette affirmation dans la mesure où l'art révèle l'esprit comme liberté. Mais la  liberté a sa propre loi ; elle n'est pas synonyme de pur arbitraire. Il s'ensuit que la création artistique obéit à une nécessité spirituelle et elle s'impose dans l'évidence de la source dont  elle procède ou alors elle n'est qu'un jeu insignifiant et dérisoire d'effets. Kandinsky a dit cela de manière magistrale : « L'artiste a non seulement le droit mais le devoir de manier les formes de la manière qu'il juge nécessaire pour atteindre ses buts mais la liberté sans limite qu'autorise cette nécessité devient criminelle dès qu'elle ne se fonde pas sur cette nécessité même ». Du Spirituel dans l'Art.

  Alors quelle est la nature de ce besoin ? « C'est de produire aux regards une représentation, une conception née de l'esprit, de la manifester comme son œuvre propre ».

  L'art est chose de l'âme disait Rimbaud. Il faut entendre par là qu'une œuvre d'art est la manifestation de l'esprit. Manifester c'est rendre visible de l'invisible, c'est faire exister dans la phénoménalité d'une matière et d'une forme sensibles, quelque chose qui excède le sensible mais se donne en lui. Il s'agit ici du sens, de l'intelligible, du spirituel (d'une conception née de l'esprit dit le texte). L'œuvre d'art révèle l'esprit, non seulement dans sa capacité de produire par des moyens appropriés une œuvre réussie, mais surtout parce que la réussite de l'œuvre tient essentiellement à la profondeur des significations que la perfection formelle fait rayonner. L'œuvre a une fonction expressive. L'artiste s'empare d'un matériau pour inscrire dans l'extériorité ce qu'il est intérieurement. Toute œuvre est une représentation, mais pas de quelque chose qui est extérieur à l'esprit comme on le croit naïvement lorsqu'on dit que l'artiste imite le réel. Même lorsqu'il est figuratif l'art ne donne pas à voir le réel, il donne à voir la manière dont un esprit se l'approprie symboliquement. Représenter pour l'artiste, ce n'est jamais imiter servilement ce qui est. Un paysage, un portrait seraient sans intérêt s'ils étaient l'imitation exacte des originaux. Ils n'intéresseraient, comme le rappelle l'anecdote des raisins de Zeuxis que des pigeons. (On raconte  que le peintre grec avait peint des raisins si ressemblants que des pigeons venaient les picorer).

  Ce qui fait d'un paysage de Corot, d'un autoportrait de Rembrandt une œuvre d'art, c'est toujours une manière de figurer des émotions, des sentiments, des états d'âme, de donner une visibilité à l'esprit qui s'empare de ce paysage ou de ce visage et les dévoile dans leurs connotations romantiques ou tragiques ou apaisées. L'œuvre est un sensible signifiant. Elle fait  apparaître dans la phénoménalité d'une réalité sensible des significations.

  D'où l'étrange statut de l'œuvre d'art. Elle est matière et comme telle chose sensible. Une sculpture de Giacometti est un morceau de bronze. Une cantate de Bach est une matière sonore. Ce sont   des objets matériels et sensibles et pourtant s'ils n'étaient que des objets quelconques ils ne s'offriraient pas à notre contemplation. Tout au plus pourraient-ils avoir pour nous une fonction d'usage. Ils n'existeraient pas dans cette étrange présence qui est la leur et qui tient à leur densité signifiante . Le miracle de l'art est de « manifester », de faire apparaître dans une forme sensible un contenu spirituel. Tout se passe comme si l'esprit ressentait le besoin de mettre à l'extérieur de lui, d'objectiver ce qu'il est intérieurement, de rendre visible l'intelligible Dans l'œuvre, il se donne ainsi une image de lui-même et par cette médiation s'approprie sa propre essence.

  Il faut bien comprendre ce que dit ici Hegel. L'esprit, ce n'est pas la subjectivité dans ce qu'elle a de particulier, d'arbitraire, d'aberrant, de relatif à un seul individu. Tant qu'une œuvre est prisonnière d'une particularité empirique, d'une mythologie personnelle, elle n'intéresse que peu de monde. Lui manque une certaine manière d'élever une expérience à l'universel. Car l'esprit, c'est la dimension de l'universel. Il s'ensuit qu'il y a une objectivité de l'esprit au sens où est objectif ce qui peut faire l'accord des esprits. Tout comme la science et la philosophie, l'art est le domaine d'une communication universelle . Ce dont témoigne le consensus, observable, autour des grandes œuvres. Hume faisait remarquer qu'il y a moins de désaccord sur Homère et sur Shakespeare qu'il n'y en a sur la physique de Galilée.

  Les grandes oeuvres du passé ont ainsi survécu à la particularité du temps qui les a vues naître. Les Pyramides sont toujours pour nous un majestueux défi de la vie à la mort, les statues grecques une figuration du divin. L'art donne une existence extérieure à ce qui vit en nous intérieurement. Tel a été son rôle fondamental dans l'histoire. S'il en a été ainsi c'est, selon Hegel, que l'esprit ne trouve pas d'emblée sa forme appropriée, qui est la forme conceptuelle ou abstraite. Avant de pouvoir se dire dans le langage du concept, l'idée s'est s'exprimée dans celui du sentiment, de l'impression, de la figuration concrète. L'objectif, l'universel ont été rendus sensibles dans l'art (Cf. «  produire aux regards une représentation »: percevoir) avant d'être saisis de manière générale et abstraite (le concept : concevoir).

  Il s'ensuit qu'au moment où l'idée s'explicite dans le langage du concept, l'art ne peut plus jouer le rôle qui a traditionnellement été le sien. Cette observation conduit Hegel à dire que « l'art est chose du passé ». Le philosophe ne signifie pas par là que c'est la fin de l'art (il y aura toujours des artistes et nous aurons toujours plaisir à regarder une œuvre d'art), mais que « l'art ne donne plus cette satisfaction des besoins spirituels, que des peuples et des temps révolus cherchaient et ne trouvaient qu'en lui...Dans ces circonstances l'art, ou du moins sa destination suprême, est pour nous quelque chose du   passé. De ce fait, il a perdu pour nous sa vérité et sa vie ; il est relégué dans notre représentation, loin d'affirmer sa nécessité effective et de s'assurer une place de choix, comme il le faisait jadis. Ce que suscite en nous une œuvre artistique de nos jours, mis à part un plaisir immédiat, c'est un jugement, étant donné que nous soumettons à un examen critique son fond, sa forme et leur convenance ou disconvenance réciproque » Introduction à l'esthétique.

II)                Deuxième thèse : L'art n'est pas un simple langage.

  A) Les points communs de l'art et du langage.

  Il suffit de dire que l'art est une expression et une communication de la pensée pour être tenté de le confondre avec le langage. D'autant plus que comme l'art, le langage n'est pas une transposition servile du réel. Dire le réel ce n'est pas le traduire passivement dans des signes. C'est le dévoiler d'une certaine manière, parce qu'en nommant, l'esprit analyse le donné conformément à sa nécessité propre. Chaque langue est ainsi une poétique, une façon de créer le monde. En parlant, l'homme dit moins le réel que sa façon de se projeter vers lui, avec ses peurs, ses rêves, ses espérances, son imaginaire ou les exigences de sa rationalité. Il y a une fonction créatrice de l'art et du langage de telle sorte que ce que l'homme communique à son semblable c'est toujours lui-même en tant qu'esprit.

  Mais pour que l'expression et la communication soient possibles, des conditions sont nécessaires. Car une réalité n'est pas signifiante en soi, elle l'est pour un esprit capable d'opérer le rapport par lequel un signe renvoie à un sens.  Le sens, en effet,  n'est pas une donnée sensible, c'est un intelligible qui doit être compris. Or le rapport du signifiant (matière sonore ou graphique)  au signifié (le sens) ne peut être effectué que par celui qui connaît le code, les conventions propres à telle ou telle langue. A défaut, les énoncés ne sont que du bruit dénué de toute signification.   Il en est de même dans l'art . On ne peut pas saisir la richesse d'une œuvre d'art si on est privé de la culture permettant de déchiffrer son code, son mode de narration, ses effets de style, etc. L'artiste est un homme d'une époque avec la sensibilité, les croyances, les normes qui sont celles du monde auquel il appartient. Ce que le tableau donne à voir c'est l'esprit d'une époque, à la fois dans ce qu'il a de particulier et d'universel.

  Ex : Regardez la toile de Jan Van Eyck : les Epoux Arnolfini. Voyez combien la composition de l'œuvre célèbre un monde en accord avec lui-même. La prospérité du commerce rendue visible dans la richesse des étoffes, l'assurance de personnages inscrits harmonieusement dans l'espace social autant que naturel. Le tableau figure un monde bourgeois en expansion, fier de lui, solidement structuré par des normes tacitement admises. Ce monde fait émerger l'individualité, celle de l'artiste qui désormais signe son œuvre et se représente dans le miroir indiquant la présence de témoins du rite nuptial, celle de ces époux arrachés aux distinctions statutaires anciennes pour exister comme des personnes.

  Regardez par contraste une œuvre d'art contemporaine, une œuvre de Carl André, artiste appartenant au mouvement minimaliste. L'installation propose des caissons en bois. (Musée de Grenoble).Cette œuvre montre qu'il n'y a aucun sens à révéler, que les formes, les couleurs ne sont que des surfaces sans profondeur. Elles s'imposent dans une présence ayant perdu son éloquence. Pour Marc Le Bot, critique d'art, de nombreuses œuvres contemporaines dévoilent « la présence nue du réel vide de sens », l'altérité du monde, la présence comme énigme, étrangeté, pure surface. N'est-ce pas là, le reflet d'un monde en deuil de repères, d'une modernité minée par la réflexivité et la critique, désertée par les dieux, en panne de projets et d'enthousiasme ?

  Regardez l'œuvre de Duchamp. Pour qui ignore l'histoire de l'art, le caractère iconoclaste de la production de cet artiste, l'urinoir demeure muet, sa présence est incompréhensible dans un musée. Il n'a pas de dimension signifiante car le code donnant les clés de sa compréhension est inconnu de celui qui le regarde.

  Toute l'aventure de l'art moderne et de l'art contemporain se caractérisant par la critique de la tradition, la remise en cause des critères académiques classiques, il faut d'abord connaître ces derniers pour comprendre ce qui se joue dans cette production éclatée, subversive, se revendiquant dans de fracassants manifestes, l'avant-garde de temps nouveaux, où l'art et la vie seront réconciliés. Il y a une éloquence de l'art, même de celui qui prétend rompre avec l'éloquence. A défaut d'en connaître les clés, n'importe quel objet d'art devient un objet quelconque.

  La délectation que promet l'œuvre d'art est donc inséparable de la culture la rendant possible. D'où l'urgence de dénoncer l'illusion d'un plaisir esthétique suscité par les seules propriétés formelles de l'œuvre. Vanité que le principe d'une délectation indépendante d'une culture artistique. Dans un propos polémique, Jean Clair n'hésite pas à dire : "Puis-je avancer qu'elle (la délectation)est superflue? Car l'étude même de l'objet contient en soi sa récompense et son plaisir. Pourrait-on l'isoler, la distinguer, croire se laisser aller au seul plaisir de ne plus voir en un objet d'art que ses formes, ses couleurs, son harmonie, tout ce qu'on appelle sa "beauté", elle suppose de toute façon un objet, dont on doit savoir l'origine et le sens. Aujourd'hui, cette fonction dernière (la délectation) et peut-être à mon sens illusoire, a fini par occuper tout le champ. Mais, privée de ses assises, la beauté tombe dans le vide. On se délecte sans savoir pourquoi, sans savoir de quoi. Croire prendre du plaisir à une oeuvre dont on est incapable de comprendre le sens, c'est parcourir un texte dans une langue étrangère, une suite de signes imprimés dont on ne saurait rien" Malaise dans les musées. 2007.

  Cela étant, un énoncé linguistique est une chose, une œuvre d'art une autre. Ce qui fait la différence tient au statut du signe.

  B) L'hétérogénéité de l'art et du langage.

    I° Premier argument.

  Un signe linguistique se caractérise par sa fonction de renvoi. Il unit un signifiant à un signifié de telle sorte que le propre du signifiant est de s'effacer,   de se faire oublier dans sa présence concrète pour renvoyer au signifié. Qu'advient-il si l'on fait fonctionner l'œuvre d'art ainsi ? C'est ce qui se passe lorsqu'on regarde une œuvre avec l'œil d'un l'historien. Celui-ci est en quête d'une archive lui permettant de reconstituer les faits historiques. Il cherche des témoignages sur l'époque qui l'intéresse et l'art est, de ce point de vue, une aubaine. L'oeuvre de l'artiste vénitien Pietro Longhi, par exemple, est une peinture des mœurs de la Venise du 18° siècle. Elle renseigne sur l'usage des masques,  la nature des habits, les habitudes, la stratification de la société. C'est une mine d'informations mais tant  qu'elle fonctionne ainsi, elle est anéantie dans sa dimension d'œuvre d'art. Car une œuvre d'art est irréductiblement une réalité matérielle, sensible n'existant pas comme une fonction mais comme un être. Elle a bien un sens mais celui-ci n'est pas extérieur à la réalité sensible dans laquelle il se signifie. L'œuvre exhibe de manière sensible dans et par sa matérialité le sens. Tout l'intérêt qu'on prend à l'art, la jouissance qu'il donne tient à ce miracle d'une matière rayonnante d'esprit. Alors que dans le langage le signifié est extérieur au signifiant, le propre de l'œuvre est qu'en elle le fond (le contenu spirituel) est indissociable de la forme (les couleurs, le modelé, la texture des mots ou des sons etc.). Le peintre Maurice Denis disait qu'il ne fallait jamais oublier qu' « avant d'être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, un tableau est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées ».

  2°) Deuxième argument.

  Il s'ensuit que la nature du rapport signifiant signifié est fondamentalement différente dans les deux formes d'expression. Dans le signe linguistique, il est totalement arbitraire.  Arbitraire ne veut pas dire que pour un signifié donné, chacun peut employer le signifiant de son choix. Le langage est un fait social et le procès de signification doit respecter les conventions collectives. Cela signifie qu'il n'existe aucun rapport de motivation, aucune ressemblance entre le signifiant et le signifié. L'idée d'une «  rose » par exemple n'est liée par aucun rapport intérieur avec la suite de sons /ros/   lui servant de signifiant. Dans une autre langue d'ailleurs, elle se dit par la médiation d'autres sons. Rien de tel dans l'art. L'œuvre d'art fait tenir ensemble ce que la fonctionnalité du signe linguistique permet de séparer. Qu'importe de savoir que l'œuvre de Proust nous parle du tragique de la temporalité, de la fatalité de l'oubli ? On n'a pas besoin de La Recherche du Temps Perdu pour dire cela. Ce qui fait de cette œuvre un monument de l'art, c'est la perfection de la forme, la matérialité glorieuse des mots, des personnages, des intrigues, la réussite du signifiant. On appelle cette réussite la   beauté.

  Le miracle de la beauté, c'est dans l'œuvre, la manière dont l'artiste trouve, grâce à son génie, la forme appropriée au fond. C'est ce portrait de Rembrandt qui manifeste l'entreprise de démolition qu'est la vie et non un autre portrait qui, au contraire fait resplendir la paix de la maturité. Effaçons le signifiant, de facto le signifié s'évanouit. Il faut appeler beauté selon Hegel, cette vertu de l'objet sensible et signifiant en qui l'être s'identifie à la valeur. Le beau est ce qui nous arrête, ce qui existe d'une présence glorieuse s'imposant aussi bien aux sens qu'à l'esprit. Qu'est-ce que cette présence ? Celle de la vérité manifestée sous forme sensible. Tous les grands penseurs de l'art le disent : La beauté est l'apparence sensible du vrai. Elle est l'éclat sensible du vrai.

  Ce qui émerveille dans l'œuvre d'art tient, à cette façon pour un contenu spirituel, pour une vérité de se donner indistinctement aux sens et à l'esprit. Le vrai s'épiphanise sous une forme réalisant la réconciliation du sensible et de l'intelligible, de l'esprit et de la matière, de l'intériorité et de l'extériorité. « Le vrai existe comme tel, existe également. Si le vrai, dans son existence extérieure, apparaît immédiatement à la conscience, et si le concept demeure immédiatement unifié avec son apparence extérieure, alors l'idée n'est pas seulement vraie mais belle » dit Hegel dans l'Esthétique.

  Il s'ensuit que n'importe quelle forme n'est pas appropriée à tel fond. Le texte le précise: « L'art doit donner aux idées une existence sensible qui leur corresponde  ».

  C'est dire que le signifiant dans l'œuvre est tout sauf arbitraire. C'est dans sa Sainte Thérèse que Le Bernin manifeste la parenté de l'amour mystique et de l'amour charnel. N'importe quelle forme ne ferait pas l'affaire. Alors que pour exprimer linguistiquement cette signification nous pourrions employer des mots différents.   L'œuvre tient du symbole et non du signe arbitraire.

  ( Définition  : on appelle symbole un signe concret évoquant par un rapport naturel ou analogique quelque chose d'absent ou d'impossible à percevoir parce qu 'abstrait ).

  Conclusion :

  Le sculpteur, le peintre, le musicien ne parlent pas. L'art est muet et pourtant il signifie. L'œuvre est matière et pourtant elle a la grâce de l'esprit. Elle est sensible et pourtant elle a l'éclat de l'intelligible. Elle est de l'ordre de la monstration non du logos et pourtant elle a une éloquence. Vouloir effacer la matérialité de l'œuvre pour saisir hors d'elle sa signification révèle une inintelligence esthétique foncière. L'art est selon Malraux «  voix du silence ». Mais ce silence est tout bruissant d'un sens qui affleure à même le sensible.

 Cf. https://www.philolog.fr/lart-est-de-lordre-de-la-monstration-non-du-dire/

Marqueurs: arbitraire , art , besoin , délectation , intelligible , langage , nécessité spirituelle , sens , sensible , signe , silence

Posté dans Chapitre IX - L'art. , Explication de texte , Textes

21 Réponses à “L’art est-il langage? Hegel.”

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Clair, concis, Top 🙂 Merci !

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bonjour moi je voulais savoir si la fonction de l’art est-elle de dire quelque chose ? De vouloir dire?

remerciments

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Bonjour Si l’artiste « voulait dire », il se contenterait de parler comme tout le monde. L’oeuvre d’art a ceci de caractéristique qu’elle est expressive mais qu’elle n’est pas de l’ordre du dire comme je le suggère dans l’article suivant. Il vous suffit de l’ouvrir. https://www.philolog.fr/lart-est-de-lordre-de-la-monstration-non-du-dire/ Bien à vous

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C’était le sujet de la dissertation du capes d’aujourd’hui.

Merci pour ce corrigé prophétique !

Cordialement

Bonjour Tous mes voeux de réussite au concours. Bien à vous.

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Bonjour. Merci pour cet article très intéressant, il me semble qu’il est assez décisif. Vous naviguez entre deux pôles en tension, d’une part l’idée que l’œuvre d’art doit par définition avoir un sens (qui pour être compris sollicite une certaine culture), d’autre part l’idée que ce sens n’est pas conceptuel, n’est pas réductible à un contenu discursif. Il me semble que vous avez raison. Cependant sur ce sujet, il faudrait peut-être faire des différences importantes entre les arts, comme le fait Hegel d’ailleurs. La littérature a un statut particulier, car elle n’est pas « muette », elle utilise bien le langage, même si ce n’est pas forcément le langage ordinaire. A l’autre bout de la chaine, la musique instrumentale a aussi un statut particulier, car c’est le seul art qui ne peut rien représenter (sinon par des conventions très spéciales). La peinture par exemple est entre ces deux extrêmes. Vous évoquez brièvement le cas de la littérature avec Proust, en disant « ce qui fait de cette œuvre un monument de l’art, c’est la perfection de la forme », sa beauté. Ce moment de votre article me semble très ambigu, d’autant que vous parlez juste avant de « l’urgence de dénoncer l’illusion d’un plaisir esthétique suscité par les seules propriétés formelles de l’œuvre ». Autrement dit, si Proust ne parlait pas du temps et de l’oubli (et de l’amour etc.) personne ne s’y intéresserait, ce ne serait pas un « monument de l’art ». C’est la même chose pour tous les arts qui utilisent le langage : roman, poésie, théâtre, cinéma, éventuellement chanson. On les juge tout de même aussi sur un fond, un contenu spirituel, bien que celui-ci, comme vous le dites, doive avoir une forme appropriée. En revanche, dans la musique instrumentale, il n’y a pas de « fond », pas de contenu spirituel, elle ne parle de rien, elle peut être belle mais vide de sens (donc dans ce cas le beau n’est pas « l’apparence sensible du vrai »). Enfin, la peinture est dans une situation intermédiaire : certaines œuvres ont un contenu et d’autres n’en ont pas ou pas vraiment. Êtes-vous d’accord ? bien cordialement

Bonjour Il me semble qu’il faut faire tenir ensemble deux idées. D’une part une œuvre d’art a un contenu spirituel. A défaut elle n’est que pur effet insignifiant. Ce qui conteste votre affirmation concernant la musique. Comme toute œuvre d’art, une œuvre musicale est bruissante de sens bien qu’elle ne parle pas. D’autre part elle ne signifie pas à la manière du langage. Sa puissance signifiante est liée à la réussite de la forme, réussite requérant pour être saisie une éducation de la sensibilité c’est-à-dire une culture. Ce qui rend problématique votre propos sur Proust. Pour reprendre votre expression, tous les artistes « parlent de quelque chose » (du temps, de la finitude, de l’amour etc.). On ne voit pas ce que signifierait l’idée d’un « contenu spirituel » si ce n’était pas le cas. Mais ce n’est pas par là qu’ils sont des artistes, c’est par leur capacité de « rendre sensible du sens » par la réussite d’une forme. Bien à vous.

[…] tr. fr. 1. Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, 1889, PUF, 2011, p. 13. » L’art est-il langage? Hegel. « Le but de l'art, son besoin originel, c'est de produire aux regards une […]

[…] » L’art est-il langage? Hegel. « Le but de l'art, son besoin originel, c'est de produire aux regards une représentation, une conception née de l'esprit, de la manifester comme son œuvre propre ; de même que, dans le langage, l'homme communique ses pensées et les fait comprendre à ses semblables. Seulement dans le langage, le moyen de communication est un simple signe, à ce titre, quelque chose de purement extérieur à l'idée et d'arbitraire. L'art, au contraire, ne doit pas simplement se servir de signes, mais donner aux idées une existence sensible qui leur corresponde. Ainsi, d'abord, l'œuvre d'art, offerte aux sens, doit renfermer en soi un contenu. De plus, il faut qu'elle le représente de telle sorte que l'on reconnaisse que celui-ci, aussi bien que sa forme visible, n'est pas seulement un objet réel de la nature, mais un produit de la représentation et de l'activité artistique de l'esprit. […]

[…] » L’art est-il langage? Hegel. « Le but de l'art, son besoin originel, c'est de produire aux regards une représentation, une conception née de l'esprit, de la manifester comme son œuvre propre ; de même que, dans le langage, l'homme communique ses pensées et les fait comprendre à ses semblables. Seulement dans le langage, le moyen de communication est un simple signe, à ce titre, quelque chose de purement extérieur à l'idée et d'arbitraire. […]

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Chère Madame, Sauriez-vous plus précisément où est situé ce texte de Hegel dans l’Esthétique ? J’ai abondamment cherché, mais je ne vois pas dans quel chapitre/sous partie il se trouve. Ceci dit, cela m’a permis de lire d’autres textes. Merci beaucoup, Sophie

Bonjour Ce texte se trouve dans le tome III de l’édition Jankélévitch, p. 31. Vous pouvez trouver les textes majeurs de cette œuvre monumentale (4 tomes) dans les textes choisis par Claude Khodoss aux PUF (1953). Bien à vous.

Bonjour et merci beaucoup pour cette indication ! Bien à vous, Sophie

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Merci pour votre blog que je trouve extraordinaire. Quel bonheur de le découvrir ! J’y reviendrai, c’est sûr.

Merci pour ce sympathique message. Bien à vous.

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Bien que la philosophie ne soit pas de l’art, j’ai pris un réel plaisir à vous lire à travers cette explication qui n’était pas sans manifester à mon esprit une certaine beauté. Merci de rendre sensible celle-ci à l’âme dans une matière qu’il ne lui est pas, a priori, la plus appropriée. Vous avez su déployer ce texte dense de Hegel et pointer du doigt là où doit se diriger nos regards et notre attention en quête de beauté : les oeuvres d’art. Merci pour votre site qui est une base de réflexion solide pour tout esprit curieux voulant s’initier à la philosophie. Bon week-end de Pâques.

Merci pour cet aimable message. Joyeuses Pâques

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Chère Madame,

Si vous n’êtes pas trop lassée de recevoir ainsi de toutes parts les félicitations de parfaits inconnus, permettez que j’y joigne les miennes. Vous êtes – du moins autant que l’on peut en juger à vous lire – tout ce qu’on peut espérer d’un professeur. Et je ne crois pas pouvoir vous faire plus beau compliment, moi qui aspire à le devenir.

J’ai tant de questions, sur tant de vos articles – pardonnez-moi: c’est sans doute l’effet que doit avoir dans un premier temps l’extrême clarté d’une analyse sur un esprit encore plein d’obscurités comme le mien. Je vais tâcher de me contenir toutefois, et ne pas trop abuser de votre temps…

Justement pour ne pas déjà me contredire , j’en viens à ma question : si l’œuvre d’art en général « tient, comme vous le dites, du symbole et non du signe arbitraire », quel statut accorder alors à l’art proprement symbolique, ou dans un autre registre, aux formes d’art plus « codifiées » faisant appel à un répertoire de symboles relativement fixe (je songe par exemple à l’art des Égyptiens qui semble partager avec leur écriture la même fonction idéogrammatique) ? Je veux dire : par contraste avec l’art que l’on dit « réaliste »?

Bien à vous

Bonsoir Merci pour ce sympathique message. Quel que soit le genre dans lequel on classe une œuvre d’art (symbolique, classique, romantique pour Hegel, figuratif, abstrait, hyperréaliste, ou autre) le signifiant n’est jamais purement arbitraire. Sa dimension sensible est irréductible, c’est elle qui donne à sentir le sens, qui le fait exister en vertu de mystérieuses correspondances. le signifiant tient donc du symbole, car même lorsque les symboles sont conventionnels, il faut qu’il y ait quelque chose dans le signe qui évoque le sens. Bien à vous.

Cela, je l’avais bien compris. Mais justement, je m’interrogeais à partir de là sur la possibilité d’un critère qui permettrait de distinguer – disons pour rester souple : un « pôle » symbolique et un pôle réaliste de l’art.

Par ailleurs, les idéogrammes sont bien des symboles, d’après votre définition, puisque la relation qui les lient à leur signifié n’est pas arbitraire. Or vous conviendrez avec moi qu’ils ne sont pas pour autant des œuvres d’art. D’où la difficulté à nouveau de cerner, cette fois par l’autre côté, ce que pourrait être un « art symbolique ».

En espérant m’être mieux fait comprendre, Bien à vous.

Bonjour Il me semble que vos questions impliquent une certaine confusion. D’abord il faut préciser ce que vous appelez art symbolique. Chez Hegel, c’est un moment logique de l’expression de l’idée, dans le mouvement artistique du XIXe siècle, c’est une réaction au naturalisme et un art ordonné à l’expression de l’imagination, du rêve, d’une pure spiritualité. Que l’œuvre d’art relève du symbole en ce qui concerne le rapport du signifiant au signifié ne préjuge pas de la nature de ce signifié qui peut aussi bien être une idéalité qu’une réalité. De même que l’œuvre d’art ressortisse du symbole en ce qui concerne le rappoort du signifiant au signifié n’implique pas que tout ce qui est symbole soit œuvre d’art. Bien à vous.

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  • L’art est de l’ordre de la monstration, non du dire.
  • La Figure du Rebelle et de l’Anarque. Ernst Jünger.
  • Le mythe de Prométhée.
  • La finalité de l’art. Bergson.

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L'art est-il un langage?

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L'art est-il un langage ?

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« PROBLEMATIQUE DE L'ELEVE: Si on appelle l'art la création d'une œuvre belle par un être conscient, on pet d'emblée noter que l'art est toujours lié à la conscience humaine et que si on attribue à cette conscience une certaine intentionnalité, il n'est pas à exclure que l'art puisse dire quelque chose dès lors où l'artiste souhaite délivrer un message dans sa création. En ce sens l'art serait porteur d'un sens et d'une volonté de communiquer qu'on retrouve dans le langage , Ne dit-on pas d'ailleurs d'une œuvre d'art que nous ne comprenons pas qu'elle ne veut rien dire ? Remarquez, en outre qu'on parle de langage pictural, de langage cinématographie…Pour autant, réduire l'art à un langage, c'est passer à côté de cette dimension essentielle qu'est l'émotion esthétique et surtout c'est oublier que l'art - moderne entre autres - s'est séparé de cette omniprésence du sens et du vouloir-dire. On peut donc penser que l'art peut aussi refuser de se réduire à un langage. Pour autant, le langage suppose toujours au moins deux interlocuteurs et si l'œuvre d'art est faite par un artiste, elle s'adresse aussi à celui qui la contemple et qui peut interpréter et trouver dans l'œuvre du sens qu'elle ne contient peut être pas de façon objective. Il faut alors se demander ici ce qui caractérise le langage. Vous pouvez dès lors vous reporter à la notion de signe dans le langage et vous demander si on peut parler, de manière identique de signe dans l'art. Distinguez alors, par exemple, la notion de signe de celle d'indice. Il s'agira alors de se demander si l'identification de l'art à un langage n'est pas prisonnière d'une certaine conception de l'art. Ici, vous pouvez vous reporter aux analyses de Hegel qui, en définissant le l'art comme la manifestation sensible de l'idée fait de ce dernier un langage de l'esprit.

Mais une telle approche de l'art qui ne l'aborde que par le biais du spirituel ne met-elle pas de côté la dimension matérielle de toute œuvre. Vous trouverez des éléments pour développer ces points en vous reportant au sujets indiqués au bas de cette réponse. En particulier, lisez attentivement le dossier sur la question de l'art et l'inquiétante étrangeté de la matière. [Les hommes ont d'abord communiqué par gestes et par cris avant d'accéder au langage. Ces premières formes d'expression se retrouvent dans l'art. L'art est donc un langage; le plus vieux de tous.] Les hommes n'ont pas toujours possédé le langage Rousseau, dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, dit que «le premier langage de l'homme», le «seul dont il eut besoin», est «le cri de la Nature». Les hommes, face au danger, criaient. Ces cris, peu à peu, se sont articulés en sons plus nuancés. L'art est un langage matériel L'art utilise les premières formes d'expression de l'humanité pour traduire la subtilité et la profondeur des sentiments humains. L'homme des cavernes sculptait, peignait, utilisait des instruments de musique rudimentaires imitant les bruits de la nature. Autant de moyens matériels permettant de communiquer sans avoir recours aux mots et à l'écriture. L'art est la source des langues Pour Nietzsche, l'art est «le sommet de la communicativité et de la transmissibilité entre les êtres vivants» (Fragments posthumes 18881889). C'est en quoi les langues dérivent de lui. Elles ont pour racine le langage des sons, des gestes, des regards. Ce langage s'est progressivement codifié. L'art est lui-même un système de conventions, donc un langage à part entière.. »

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Histoire: Déportation des Juifs en Allemagne

Commentaire: HEGEL - L'art est-il langage ?

Publié le 22/02/2012

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hegel

« Le but de l’art, son besoin originel, c’est de produire aux regards une représentation, une conception née de l’esprit, de la manifester comme son œuvre propre ; de même que, dans le langage, l’homme communique ses pensées et les fait comprendre à ses semblables. Seulement dans le langage, le moyen de communication est un simple signe, à ce titre, quelque chose de purement extérieur à l’idée et d’arbitraire. L’art, au contraire, ne doit pas simplement se servir de signes, mais donner aux idées une existence sensible qui leur corresponde. Ainsi, d’abord, l’œuvre d’art, offerte aux sens, doit renfermer en soi un contenu. De plus, il faut qu’elle le représente de telle sorte que l’on reconnaisse que celui-ci, aussi bien que sa forme visible, n’est pas seulement un objet réel de la nature, mais un produit de la représentation et de l’activité artistique de l’esprit. L’intérêt fondamental de l’art consiste en ce que ce sont les conceptions objectives et originelles, les pensées universelles de l’esprit humain qui sont offertes à nos regards «. Georg Wilhelm Friedrich Hegel. Esthétique. Première partie. Introduction : Hegel aborde dans ce texte le thème de l’art en affrontant la question suivante : quelle est la finalité de l’art ; pourquoi des artistes ? Quel est le sens de cette activité si singulière ? Hegel répond (thèse) que la finalité de l’art est de satisfaire un besoin de l’esprit. Nous apprenons qu’il s’agit d’un besoin spirituel, défini comme nécessité pour l’esprit de s’objectiver sous forme sensible. D’une manière analogue au langage, l’art a une fonction d’expression et de communication de la pensée. Cette première thèse fonde une nouvelle interrogation : faut-il assimiler l’art à un langage et dire comme on l’entend souvent que l’artiste dit quelque chose, qu’il communique des significations ? Mais alors pourquoi ne se contente-t-il pas de parler ? Tout l’intérêt de ce texte consiste, après avoir pointé l’analogie de l’art et du langage (Cf. de même que), à établir ce qui les distingue radicalement (Cf. au contraire) (thèse). En quoi l’expression artistique diffère-t-elle de l’expression linguistique, autrement dit en quel sens une œuvre d’art est-elle autre chose qu’un discours ? Car il est bien vrai qu’un énoncé signifiant la difficulté d’être, la terreur du néant et l’oppression de l’angoisse est une chose, l’œuvre de Munch intitulée « le cri « une autre. La question est de savoir comment rendre compte de cette hétérogénéité. I) Première thèse : La finalité de l’art est de satisfaire un besoin de l’esprit. Expliciter cette thèse, revient d’abord à comprendre que l’homme n’a pas que des besoins matériels. La notion de besoin connote celle de nécessité et il nous semble qu’il n’y a de nécessité que biologique. Il nous faut manger, boire au risque de compromettre l’équilibre de la vie ou la survie. Nous ne sommes pas spontanément enclins à utiliser la notion de besoin pour parler d’une exigence spirituelle. Or Hegel parle bien de besoin mais ce n’est pas à ce que nous entendons immédiatement par là, qu’il fait allusion. Il affirme que, parce qu’il est esprit l’homme a des besoins spirituels. Il y a donc une nécessité spirituelle au même titre qu’il y a une nécessité matérielle. La fonction de l’art est d’abord de traduire cette nécessité et de fournir à l’humanité une satisfaction relative à « un besoin originel « dit le texte. Avec cette expression Hegel signifie que ce besoin est originairement lié à notre nature, il n’est pas un besoin artificiel produit par le développement social. Avant d’interroger la nature de ce besoin, on peut remarquer que les grands artistes font toujours référence à cette idée d’une nécessité. Dans ses Lettres à un jeune poète Rilke en fait proprement le signe d’une vocation artistique. « Vous me demandez si vos vers sont bons… Personne ne peut vous apporter conseil ou aide, personne. Il n’est qu’un seul chemin. Entrez en vous-même, cherchez le besoin qui vous fait écrire : examinez s’il pousse ses racines au plus profond de votre cœur. Confessez-vous à vous-même : mourriez-vous s’il vous était défendu d’écrire ? Ceci surtout ; demandez-vous à l’heure la plus silencieuse de votre nuit : « suis-je vraiment contraint d’écrire ? « Creusez en vous-même vers la plus profonde réponse. Si cette réponse est affirmative, si vous pouvez faire front à une aussi grave question par un fort et simple « Je dois «, alors construisez votre vie selon cette nécessité «. Certes on peut s’étonner de cette affirmation dans la mesure où l’art révèle l’esprit comme liberté. Mais la liberté a sa propre loi ; elle n’est pas synonyme de pur arbitraire. Il s’ensuit que la création artistique obéit à une nécessité spirituelle et elle s’impose dans l’évidence de la source dont elle procède ou alors elle n’est qu’un jeu insignifiant et dérisoire d’effets. Kandinsky a dit cela de manière magistrale : « L’artiste a non seulement le droit mais le devoir de manier les formes de la manière qu’il juge nécessaire pour atteindre ses buts mais la liberté sans limite qu’autorise cette nécessité devient criminelle dès qu’elle ne se fonde pas sur cette nécessité même «. Du Spirituel dans l’Art. Alors quelle est la nature de ce besoin ? « C’est de produire aux regards une représentation, une conception née de l’esprit, de la manifester comme son œuvre propre «. L’art est chose de l’âme disait Rimbaud. Il faut entendre par là qu’une œuvre d’art est la manifestation de l’esprit. Manifester c’est rendre visible de l’invisible, c’est faire exister dans la phénoménalité d’une matière et d’une forme sensibles, quelque chose qui excède le sensible mais se donne en lui. Il s’agit ici du sens, de l’intelligible, du spirituel (d’une conception née de l’esprit dit le texte). L’œuvre d’art révèle l’esprit, non seulement dans sa capacité de produire par des moyens appropriés une œuvre réussie, mais surtout parce que la réussite de l’œuvre tient essentiellement à la profondeur des significations que la perfection formelle fait rayonner. L’œuvre a une fonction expressive. L’artiste s’empare d’un matériau pour inscrire dans l’extériorité ce qu’il est intérieurement. Toute œuvre est une représentation, mais pas de quelque chose qui est extérieur à l’esprit comme on le croit naïvement lorsqu’on dit que l’artiste imite le réel. Même lorsqu’il est figuratif l’art ne donne pas à voir le réel, il donne à voir la manière dont un esprit se l’approprie symboliquement. Représenter pour l’artiste, ce n’est jamais imiter servilement ce qui est. Un paysage, un portrait seraient sans intérêt s’ils étaient l’imitation exacte des originaux. Ils n’intéresseraient, comme le rappelle l’anecdote des raisins de Zeuxis que des pigeons. (On raconte que le peintre grec avait peint des raisins si ressemblants que des pigeons venaient les picorer). Ce qui fait d’un paysage de Corot, d’un autoportrait de Rembrandt une œuvre d’art, c’est toujours une manière de figurer des émotions, des sentiments, des états d’âme, de donner une visibilité à l’esprit qui s’empare de ce paysage ou de ce visage et les dévoile dans leurs connotations romantiques ou tragiques ou apaisées. L’œuvre est un sensible signifiant. Elle fait apparaître dans la phénoménalité d’une réalité sensible des significations. D’où l’étrange statut de l’œuvre d’art. Elle est matière et comme telle chose sensible. Une sculpture de Giacometti est un morceau de bronze. Une cantate de Bach est une matière sonore. Ce sont des objets matériels et sensibles et pourtant s’ils n’étaient que des objets quelconques ils ne s’offriraient pas à notre contemplation. Tout au plus pourraient-ils avoir pour nous une fonction d’usage. Ils n’existeraient pas dans cette étrange présence qui est la leur et qui tient à leur densité signifiante. Le miracle de l’art est de « manifester «, de faire apparaître dans une forme sensible un contenu spirituel. Tout se passe comme si l’esprit ressentait le besoin de mettre à l’extérieur de lui, d’objectiver ce qu’il est intérieurement, de rendre visible l’intelligible Dans l’œuvre, il se donne ainsi une image de lui-même et par cette médiation s’approprie sa propre essence. Il faut bien comprendre ce que dit ici Hegel. L’esprit, ce n’est pas la subjectivité dans ce qu’elle a de particulier, d’arbitraire, d’aberrant, de relatif à un seul individu. Tant qu’une œuvre est prisonnière d’une particularité empirique, d’une mythologie personnelle, elle n’intéresse que peu de monde. Lui manque une certaine manière d’élever une expérience à l’universel. Car l’esprit, c’est la dimension de l’universel. Il s’ensuit qu’il y a une objectivité de l’esprit au sens où est objectif ce qui peut faire l’accord des esprits. Tout comme la science et la philosophie, l’art est le domaine d’une communication universelle. Ce dont témoigne le consensus, observable, autour des grandes œuvres. Hume faisait remarquer qu’il y a moins de désaccord sur Homère et sur Shakespeare qu’il n’y en a sur la physique de Galilée. Les grandes oeuvres du passé ont ainsi survécu à la particularité du temps qui les a vues naître. Les Pyramides sont toujours pour nous un majestueux défi de la vie à la mort, les statues grecques une figuration du divin. L’art donne une existence extérieure à ce qui vit en nous intérieurement. Tel a été son rôle fondamental dans l’histoire. S’il en a été ainsi c’est, selon Hegel, que l’esprit ne trouve pas d’emblée sa forme appropriée, qui est la forme conceptuelle ou abstraite. Avant de pouvoir se dire dans le langage du concept, l’idée s’est s’exprimée dans celui du sentiment, de l’impression, de la figuration concrète. L’objectif, l’universel ont été rendus sensibles dans l’art (Cf. « produire aux regards une représentation «: percevoir) avant d’être saisis de manière générale et abstraite (le concept : concevoir). Il s’ensuit qu’au moment où l’idée s’explicite dans le langage du concept, l’art ne peut plus jouer le rôle qui a traditionnellement été le sien. Cette observation conduit Hegel à dire que « l’art est chose du passé «. Le philosophe ne signifie pas par là que c’est la fin de l’art (il y aura toujours des artistes et nous aurons toujours plaisir à regarder une œuvre d’art), mais que « l’art ne donne plus cette satisfaction des besoins spirituels, que des peuples et des temps révolus cherchaient et ne trouvaient qu’en lui…Dans ces circonstances l’art, ou du moins sa destination suprême, est pour nous quelque chose du passé. De ce fait, il a perdu pour nous sa vérité et sa vie ; il est relégué dans notre représentation, loin d’affirmer sa nécessité effective et de s’assurer une place de choix, comme il le faisait jadis. Ce que suscite en nous une œuvre artistique de nos jours, mis à part un plaisir immédiat, c’est un jugement, étant donné que nous soumettons à un examen critique son fond, sa forme et leur convenance ou disconvenance réciproque « Introduction à l’esthétique. II) Deuxième thèse : L’art n’est pas un simple langage. A) Les points communs de l’art et du langage. Il suffit de dire que l’art est une expression et une communication de la pensée pour être tenté de le confondre avec le langage. D’autant plus que comme l’art, le langage n’est pas une transposition servile du réel. Dire le réel ce n’est pas le traduire passivement dans des signes. C’est le dévoiler d’une certaine manière, parce qu’en nommant, l’esprit analyse le donné conformément à sa nécessité propre. Chaque langue est ainsi une poétique, une façon de créer le monde. En parlant, l’homme dit moins le réel que sa façon de se projeter vers lui, avec ses peurs, ses rêves, ses espérances, son imaginaire ou les exigences de sa rationalité. Il y a une fonction créatrice de l’art et du langage de telle sorte que ce que l’homme communique à son semblable c’est toujours lui-même en tant qu’esprit. Mais pour que l’expression et la communication soient possibles, des conditions sont nécessaires. Car une réalité n’est pas signifiante en soi, elle l’est pour un esprit capable d’opérer le rapport par lequel un signe renvoie à un sens. Le sens, en effet, n’est pas une donnée sensible, c’est un intelligible qui doit être compris. Or le rapport du signifiant (matière sonore ou graphique) au signifié (le sens) ne peut être effectué que par celui qui connaît le code, les conventions propres à telle ou telle langue. A défaut, les énoncés ne sont que du bruit dénué de toute signification. Il en est de même dans l’art. On ne peut pas saisir la richesse d’une œuvre d’art si on est privé de la culture permettant de déchiffrer son code, son mode de narration, ses effets de style, etc. L’artiste est un homme d’une époque avec la sensibilité, les croyances, les normes qui sont celles du monde auquel il appartient. Ce que le tableau donne à voir c’est l’esprit d’une époque, à la fois dans ce qu’il a de particulier et d’universel. Ex : Regardez la toile de Jan Van Eyck : les Epoux Arnolfini. Voyez combien la composition de l’œuvre célèbre un monde en accord avec lui-même. La prospérité du commerce rendue visible dans la richesse des étoffes, l’assurance de personnages inscrits harmonieusement dans l’espace social autant que naturel. Le tableau figure un monde bourgeois en expansion, fier de lui, solidement structuré par des normes tacitement admises. Ce monde fait émerger l’individualité, celle de l’artiste qui désormais signe son œuvre et se représente dans le miroir indiquant la présence de témoins du rite nuptial, celle de ces époux arrachés aux distinctions statutaires anciennes pour exister comme des personnes. Regardez par contraste une œuvre d’art contemporaine, une œuvre de Carl André, artiste appartenant au mouvement minimaliste. L’installation propose des caissons en bois. (Musée de Grenoble). Cette œuvre montre qu’il n’y a aucun sens à révéler, que les formes, les couleurs ne sont que des surfaces sans profondeur. Elles s’imposent dans une présence ayant perdu son éloquence. Pour Marc Le Bot, critique d’art, de nombreuses œuvres contemporaines dévoilent « la présence nue du réel vide de sens «, l’altérité du monde, la présence comme énigme, étrangeté, pure surface. N’est-ce pas là, le reflet d’un monde en deuil de repères, d’une modernité minée par la réflexivité et la critique, désertée par les dieux, en panne de projets et d’enthousiasme ? Regardez l’œuvre de Duchamp. Pour qui ignore l’histoire de l’art, le caractère iconoclaste de la production de cet artiste, l’urinoir demeure muet, sa présence est incompréhensible dans un musée. Il n’a pas de dimension signifiante car le code donnant les clés de sa compréhension est inconnu de celui qui le regarde. Toute l’aventure de l’art moderne et de l’art contemporain se caractérisant par la critique de la tradition, la remise en cause des critères académiques classiques, il faut d’abord connaître ces derniers pour comprendre ce qui se joue dans cette production éclatée, subversive, se revendiquant dans de fracassants manifestes, l’avant-garde de temps nouveaux, où l’art et la vie seront réconciliés. Il y a une éloquence de l’art, même de celui qui prétend rompre avec l’éloquence. A défaut d’en connaître les clés, n’importe quel objet d’art devient un objet quelconque. La délectation que promet l’oeuvre d’art est donc inséparable de la culture la rendant possible. D’où l’urgence de dénoncer l’illusion d’un plaisir esthétique suscité par les seules propriétés formelles de l’oeuvre. Vanité que le principe d’une délectation indépendante d’une culture artistique. Dans un propos polémique, Jean Clair n’hésite pas à dire : "Puis-je avancer qu’elle (la délectation)est superflue? Car l’étude même de l’objet contient en soi sa récompense et son plaisir. Pourrait-on l’isoler, la distinguer, croire se laisser aller au seul plaisir de ne plus voir en un objet d’art que ses formes, ses couleurs, son harmonie, tout ce qu’on appelle sa "beauté", elle suppose de toute façon un objet, dont on doit savoir l’origine et le sens. Aujourd’hui, cette fonction dernière (la délectation) et peut-être à mon sens illusoire, a fini par occuper tout le champ. Mais, privée de ses assises, la beauté tombe dans le vide. On se délecte sans savoir pourquoi, sans savoir de quoi. Croire prendre du plaisir à une oeuvre dont on est incapable de comprendre le sens, c’est parcourir un texte dans une langue étrangère, une suite de signes imprimés dont on ne saurait rien" Malaise dans les musées.2007. Cela étant, un énoncé linguistique est une chose, une œuvre d’art une autre. Ce qui fait la différence tient au statut du signe. B) L’hétérogénéité de l’art et du langage. I° Premier argument. Un signe linguistique se caractérise par sa fonction de renvoi. Il unit un signifiant à un signifié de telle sorte que le propre du signifiant est de s’effacer, de se faire oublier dans sa présence concrète pour renvoyer au signifié. Qu’advient-il si l’on fait fonctionner l’œuvre d’art ainsi ? C’est ce qui se passe lorsqu’on regarde une œuvre avec l’œil d’un l’historien. Celui-ci est en quête d’une archive lui permettant de reconstituer les faits historiques. Il cherche des témoignages sur l’époque qui l’intéresse et l’art est, de ce point de vue, une aubaine. L’oeuvre de l’artiste vénitien Pietro Longhi, par exemple, est une peinture des mœurs de la Venise du 18° siècle. Elle renseigne sur l’usage des masques, la nature des habits, les habitudes, la stratification de la société. C’est une mine d’informations mais tant qu’elle fonctionne ainsi, elle est anéantie dans sa dimension d’œuvre d’art. Car une œuvre d’art est irréductiblement une réalité matérielle, sensible n’existant pas comme une fonction mais comme un être. Elle a bien un sens mais celui-ci n’est pas extérieur à la réalité sensible dans laquelle il se signifie. L’œuvre exhibe de manière sensible dans et par sa matérialité le sens. Tout l’intérêt qu’on prend à l’art, la jouissance qu’il donne tient à ce miracle d’une matière rayonnante d’esprit. Alors que dans le langage le signifié est extérieur au signifiant, le propre de l’œuvre est qu’en elle le fond (le contenu spirituel) est indissociable de la forme (les couleurs, le modelé, la texture des mots ou des sons etc.). Le peintre Maurice Denis disait qu’il ne fallait jamais oublier qu’ « avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, un tableau est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées «. 2°) Deuxième argument. Il s’ensuit que la nature du rapport signifiant signifié est fondamentalement différente dans les deux formes d’expression. Dans le signe linguistique, il est totalement arbitraire. Arbitraire ne veut pas dire que pour un signifié donné, chacun peut employer le signifiant de son choix. Le langage est un fait social et le procès de signification doit respecter les conventions collectives. Cela signifie qu’il n’existe aucun rapport de motivation, aucune ressemblance entre le signifiant et le signifié. L’idée d’une « rose « par exemple n’est liée par aucun rapport intérieur avec la suite de sons /ros/ lui servant de signifiant. Dans une autre langue d’ailleurs, elle se dit par la médiation d’autres sons. Rien de tel dans l’art. L’œuvre d’art fait tenir ensemble ce que la fonctionnalité du signe linguistique permet de séparer. Qu’importe de savoir que l’œuvre de Proust nous parle du tragique de la temporalité, de la fatalité de l’oubli ? On n’a pas besoin de La Recherche du Temps Perdu pour dire cela. Ce qui fait de cette œuvre un monument de l’art, c’est la perfection de la forme, la matérialité glorieuse des mots, des personnages, des intrigues, la réussite du signifiant. On appelle cette réussite la beauté. Le miracle de la beauté, c’est dans l’œuvre, la manière dont l’artiste trouve, grâce à son génie, la forme appropriée au fond. C’est ce portrait de Rembrandt qui manifeste l’entreprise de démolition qu’est la vie et non un autre portrait qui, au contraire fait resplendir la paix de la maturité. Effaçons le signifiant, de facto le signifié s’évanouit. Il faut appeler beauté selon Hegel, cette vertu de l’objet sensible et signifiant en qui l’être s’identifie à la valeur. Le beau est ce qui nous arrête, ce qui existe d’une présence glorieuse s’imposant aussi bien aux sens qu’à l’esprit. Qu’est-ce que cette présence ? Celle de la vérité manifestée sous forme sensible. Tous les grands penseurs de l’art le disent : La beauté est l’apparence sensible du vrai. Elle est l’éclat sensible du vrai. Ce qui émerveille dans l’œuvre d’art tient, à cette façon pour un contenu spirituel, pour une vérité de se donner indistinctement aux sens et à l’esprit. Le vrai s’épiphanise sous une forme réalisant la réconciliation du sensible et de l’intelligible, de l’esprit et de la matière, de l’intériorité et de l’extériorité. « Le vrai existe comme tel, existe également. Si le vrai, dans son existence extérieure, apparaît immédiatement à la conscience, et si le concept demeure immédiatement unifié avec son apparence extérieure, alors l’idée n’est pas seulement vraie mais belle « dit Hegel dans l’Esthétique. Il s’ensuit que n’importe quelle forme n’est pas appropriée à tel fond. Le texte le précise: « L’art doit donner aux idées une existence sensible qui leur corresponde «. C’est dire que le signifiant dans l’œuvre est tout sauf arbitraire. C’est dans sa Sainte Thérèse que Le Bernin manifeste la parenté de l’amour mystique et de l’amour charnel. N’importe quelle forme ne ferait pas l’affaire. Alors que pour exprimer linguistiquement cette signification nous pourrions employer des mots différents. L’œuvre tient du symbole et non du signe arbitraire. (Définition : on appelle symbole un signe concret évoquant par un rapport naturel ou analogique quelque chose d’absent ou d’impossible à percevoir parce qu’abstrait). Conclusion : Le sculpteur, le peintre, le musicien ne parlent pas. L’art est muet et pourtant il signifie. L’œuvre est matière et pourtant elle a la grâce de l’esprit. Elle est sensible et pourtant elle a l’éclat de l’intelligible. Elle est de l’ordre de la monstration non du logos et pourtant elle a une éloquence. Vouloir effacer la matérialité de l’œuvre pour saisir hors d’elle sa signification révèle une inintelligence esthétique foncière. L’art est selon Malraux « voix du silence «. Mais ce silence est tout bruissant d’un sens qui affleure à même le sensible.

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COMMENTS

  1. L'art est il un langage comme un autre

    Ainsi, l'art n'est pas un langage dans la mesure où elle n'est pas toujours compréhensible (exemple de l'art abstrait), qu'elle est universelle contrairement aux aptitudes de la communication, et qu'elle vit de la société et pas inversement.

  2. L'art est-il un langage ? (corrigé)

    L'art est un langage, mais il est bien plus qu'un langage. Il est le miroir du monde, cette patrie des hommes sur Terre, que chaque œuvre d'art construit en dépassant la fermeture des cultures et en créant un patrimoine commun à toute l'humanité.

  3. PDF Philosophie: L'art est-il un langage?

    L'art est un langage très particulier, originellement entre l'artiste et les amateurs d'art, et par la suite entre les groupes sociaux et ses subordonnées. L'art est toujours et déjà un langage esthétique, et ce langage n'est possible que pour des sujets qui sont ouverts à ce mode d'interprétation. Les signes qui se ...

  4. » L'art est-il langage? Hegel.

    Hegel aborde dans ce texte le thème de l'art en affrontant la question suivante : quelle est la finalité de l'art ; pourquoi des artistes ? Quel est le sens de cette activité si singulière ? Hegel répond (thèse) que la finalité de l'art est de satisfaire un besoin de l'esprit.

  5. L'art est-il un langage

    Mais ne serait-il pas possible de poser que l'art est « un » langage, autrement ditqu'il a son propre langage, différent de celui dont nous faisons usage par le biais de la voix ? Dans un premier tempson verra donc en quoi l'art peut être considéré comme un langage, en tant qu'il procède de la mise en œuvre derègles dans le but de signifier.

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    L'art est donc une forme de langage qui n'est pas vraiment autonome, mais qui re-présente ce qui a déjà été présenté. En ce sens, si une oeuvre traduit ce qu'un auteur, un artiste a cherché à y montrer, l'oeuvre d'art n'est jamais vraiment elle-même sans pouvoir non plus être autre chose qu'elle-même, sans pouvoir se ...

  8. Le langage est il un art

    « APPROCHE • L'art est-il un langage si l'on entend par là qu'il s'effectue dans et par des «langues» c'est-à-dire des systèmes de signes conventionnels, arbitraires, discrets (au sens linguistique de ce terme) ?

  9. L'art est-il un langage

    Ces cris, peu à peu, se sont articulés en sons plus nuancés. L'art est un langage matériel L'art utilise les premières formes d'expression de l'humanité pour traduire la subtilité et la profondeur des sentiments humains.

  10. Commentaire: HEGEL

    Cette première thèse fonde une nouvelle interrogation : faut-il assimiler l'art à un langage et dire comme on l'entend souvent que l'artiste dit quelque chose, qu'il communique des significations ? Mais alors pourquoi ne se contente-t-il pas de parler ?